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Perspectives

Dans une décision récente, la Cour suprême de la Colombie-Britannique remet en question l'utilité de la période probatoire

Dans une décision récente, la Cour suprême de la Colombie-Britannique remet en question la notion voulant qu'une période probatoire offre la souplesse et les protections qu'elle est censée apporter. En effet, dans la cause Ly v Interior Health Authority, 2017 BCSC 42, la Cour a conclu que la période probatoire figurant dans le contrat d'emploi du plaignant était valide et opposable. Cependant, la Cour a également déclaré que la défenderesse Interior Health Authority n'avait pas rempli l'obligation qui lui incombait d'évaluer de bonne foi les aptitudes de M. Ly pour ce qui est d'occuper un emploi permanent. Par conséquent, elle a accordé à M. Ly des dommages-intérêts pour compenser l'absence de préavis de fin d'emploi.

La période probatoire

M. Ly a commencé à travailler pour l'Interior Health Authority le 6 novembre 2014 à titre de directeur de la qualité des soins, de la sécurité des patients et de la satisfaction des clients. Avant le début de son emploi, il a signé une lettre de proposition qui contenait la clause suivante :

[traduction] « Les employés qui occupent de nouveaux postes doivent exercer leurs fonctions pendant une période probatoire de six (6) mois. »

Le 8 janvier 2015, M. Ly a été renvoyé sans préavis, pendant la période probatoire.

Le plaignant a soutenu que la référence à une période d'essai dans la lettre de proposition d'emploi ne pouvait seule créer une période probatoire valide. Toutefois, la Cour a conclu que la notion de période probatoire est bien connue dans le monde des affaires et le secteur en général; en outre, elle a déterminé que M. Ly, en tant que gestionnaire chevronné, savait qu'elle faisait référence à une période d'évaluation pendant laquelle les aptitudes et le rendement d'un nouvel employé sont mesurés. Le plaignant a également fait valoir qu'il n'estimait pas que la période probatoire le visait, et ce, même si la lettre de proposition d'emploi lui était précisément adressée, qu'il en avait pris connaissance et qu'il l'avait signée. Or, la Cour n'a pas reconnu la validité de cet argument : selon elle, si le plaignant avait vu les choses sous cet angle, il aurait pu remettre en cause l'inclusion de la clause dans la lettre ou demander qu'on la supprime du document. La preuve démontrait qu'il avait négocié d'autres modalités de l'offre, sans toutefois contester la clause relative à la période probatoire. Par conséquent, comme il s'était abstenu de contester cette clause à l'époque, il ne pouvait par la suite remettre en question son applicabilité.

La Cour a dû se prononcer sur la question de savoir si les employeurs pouvaient prévoir une période probatoire de plus de trois mois sans enfreindre la loi de la Colombie-Britannique intitulée Employment Standards Act (la « ESA »). Elle a indiqué clairement que les modalités de la période probatoire ne pouvaient pas violer ou contourner les droits légaux dont il est question à l'article 63(1) de l'ESA (qui portent sur le préavis/la paie en cas de cessation d'emploi). En l'espèce, la Cour a conclu que la période probatoire ne violait pas les dispositions de l'ESA et qu'elle était donc valide.

Évaluation de bonne foi des aptitudes de l'employé

S'appuyant sur la décision Jadot v Concert Industries Ltd. [1997] BCJ No. 2403 (CA) rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, la Cour a fait le commentaire suivant :

[traduction] « [L]e critère pour ce qui est du congédiement dans le contexte de la période d'essai repose sur les aptitudes de l'employé. Le motif valable n'entre pas en jeu. Un employeur n'a qu'à établir qu'il a agi de bonne foi en évaluant les aptitudes de l'employé en période probatoire. »

La Cour a ensuite indiqué que, bien que l'employeur ne soit pas tenu de motiver le congédiement d'un employé en période probatoire, il devrait, considérer la conduite de cet employé lorsqu'il évalue ses aptitudes, et ce, à la lumière des facteurs suivants (la « norme légale relative aux aptitudes de l'employé ») :

  • Avant de commencer à travailler ou au début de son emploi, l'employé en période probatoire savait-il sur quoi se fondait l'évaluation de l'employeur?
  • L'employeur a-t-il agi équitablement et avec la diligence voulue lorsqu'il a évalué les aptitudes de l'employé?
  • L'employé a-t-il eu l'occasion raisonnable de démontrer qu'il avait les aptitudes voulues pour remplir ses fonctions?
  • La décision de l'employeur était-elle fondée sur une évaluation honnête, équitable et raisonnable des aptitudes de l'employé, et tenait-elle compte non seulement des compétences et du rendement de l'intéressé, mais également de son caractère, de son jugement, de sa compatibilité et de sa fiabilité (au paragraphe 58)?

En appliquant cette norme, la Cour a conclu que M. Ly n'avait pas eu l'occasion équitable de démontrer qu'il avait les aptitudes requises pour occuper son poste. Elle a accepté la preuve que M. Ly a présentée, voulant qu'il ait tenté au début de la relation d'emploi de comprendre les attentes de l'employeur; toutefois, celui-ci n'avait pas répondu clairement au plaignant ou ne lui avait pas donné l'occasion équitable de démontrer qu'il avait les aptitudes requises pour occuper le poste de gestionnaire.

Par conséquent, l'Interior Health Authority n'a pas respecté la norme requise au chapitre de la bonne foi lorsqu'elle a évalué les aptitudes de M. Ly au regard du poste qu'il occupait. Le plaignant a eu droit à trois mois de salaire comme indemnisation au titre d'un préavis raisonnable.

La décision est une leçon précieuse pour les employeurs qui doivent évaluer les aptitudes d'employés en période probatoire. Les tribunaux reconnaîtront la validité des périodes probatoires (pourvu qu'on respecte les normes minimales en matière d'emploi) et autoriseront les employeurs à congédier des employés qui n'ont pas les aptitudes requises. Cependant, l'évaluation de ces aptitudes doit se dérouler de bonne foi. La cause Ly démontre que les tribunaux seront peut-être prêts à déterminer si un employeur a clairement indiqué ses attentes à l'égard d'un rôle donné et si, ce faisant, il a donné à l'employé en question l'occasion de faire ses preuves. Les employeurs feraient bien d'étayer de documents le progrès d'un employé en période probatoire et de s'entretenir régulièrement avec l'intéressé quant à son rendement; en effet, les employeurs doivent être prêts à défendre leur décision de congédier un employé en période probatoire, si cette décision est contestée.

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