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Perspectives

La Cour d’appel fédérale examine la nouvelle norme de contrôle applicable aux appels en matière d’oppositions de marques

The Clorox Company of Canada, Ltd. v. Chloretec S.E.C., 2020 FCA 76

L’appel porte sur une décision de la Cour fédérale (CF) confirmant la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce (COMC) de rejeter l’opposition de Clorox à deux demandes d’enregistrement de marques de commerce présentées par Chloretec. La Cour d’appel fédérale (CAF) a rejeté l’appel.

Chloretec a déposé des demandes pour l’enregistrement de deux marques de commerce, JAVELO et JAVELO Dessin, pour un emploi projeté en liaison avec l’eau de javel. La liste des produits visés a par la suite été modifiée. Clorox a invoqué plusieurs motifs dans ses déclarations d’opposition, prétendant que les demandes contrevenaient à l’article 2, aux alinéas 12(1)d), 16(3)a) et b), 30b) et à l’article 50 de la Loi sur les marques de commerce. Clorox a déposé en preuve ses marques JAVEX enregistrées. Chloretec a également soumis une preuve. La COMC a rejeté l’opposition.

Clorox a interjeté appel en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce et déposé une nouvelle preuve. Elle prétendait que le Registraire des marques de commerce avait erré en concluant qu’il n’y avait pas confusion entre les marques JAVELO et les marques JAVEX; que les marques JAVELO étaient distinctives et que l’emploi des marques JAVELO n’était pas antérieur aux demandes d’enregistrement. La CF a rejeté cet appel.

Pour déterminer la norme de contrôle qu’elle devait appliquer, la CAF a considéré la décision de la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Elle a conclu que l’arrêt Vavilov n’avait aucune incidence sur la norme de contrôle à appliquer pour évaluer les conclusions de la CF relatives à l’importance de la nouvelle preuve, puisque, à cet égard, la CF avait agi à titre de tribunal de première instance, et non à titre de cour de révision. Par conséquent, la décision de la CF devait être évaluée en fonction des normes applicables en appel. Puisqu’il s’agissait en l’espèce d’une question mixte de fait et de droit, la norme applicable était celle de l’erreur manifeste et déterminante.

Lorsqu’une nouvelle preuve est jugée importante, le paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce indique que la CF « peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi ». La CAF a souligné que c’était le propre des examens de novo, et que la norme applicable était celle de la décision correcte. Dans l’arrêt Vavilov, il est manifeste que l’application de la norme de la décision raisonnable lors de l’examen du fond d’une décision administrative est présumée. Cette présomption peut toutefois être réfutée si le législateur indique clairement qu’une norme différente devrait s’appliquer. Le paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce constitue une telle indication, et la CAF a conclu qu’il fallait donner effet à cette volonté du législateur.

Dans Vavilov, la CSC établit la nouvelle norme à appliquer lorsqu’aucune nouvelle preuve n’est soumise ou lorsqu’il a été conclu, à juste titre, que les nouveaux éléments de preuve ne sont pas importants. En particulier, la norme que la CF et la CAF devraient appliquer lors d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) est celle qui est applicable aux appels. Il s’agit, pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (en l’absence de principe juridique facilement isolable), de celle de l’erreur manifeste et déterminante et, pour les questions de droit, de celle de la décision correcte.

La CAF devait déterminer si la CF avait utilisé la mauvaise approche pour évaluer la nouvelle preuve soumise par Clorox. Elle a conclu qu’il n’y avait aucune erreur manifeste et déterminante. La CF avait rejeté les sondages présentés en preuve, et la CAF a souligné qu’ils n’avaient pas été présentés par un expert compétent comme l’exige l’arrêt Mattel. La CAF s’est dite en accord avec la plupart des problèmes soulevés par la CF à propos de la preuve.

La CAF s’est ensuite demandé si la CF avait commis une erreur de droit ou de fait en appliquant le mauvais critère pour évaluer la confusion entre les marques ou en n’évaluant pas correctement la preuve. Clorox a avancé que même si la CF connaissait le critère d’évaluation de la confusion et qu’elle l’avait bien cité, elle avait erré en indiquant que le consommateur « n’est pas toujours pressé au même degré » lorsqu’il est question de biens de grande valeur ou circulant dans un marché spécialisé. La CAF n’a quant à elle relevé aucune erreur dans cet énoncé. Elle a au contraire jugé qu’il était tout à fait compatible avec la décision de la CSC dans Mattel. Le niveau de soin du consommateur peut varier selon les circonstances, et les réseaux commerciaux habituels d’un produit donné doivent être pris en considération. La CAF a noté que l’appelante lui demandait de réévaluer la preuve et d’en arriver à une conclusion différente que celles de la COMC et de la CF. Elle a également souligné que l’appelante devait la convaincre que la CF avait commis une erreur évidente qui touche directement l’issue de l’affaire, une norme de contrôle caractérisée par la déférence.

Dans son examen des motifs concernant la question de la confusion, la CAF s’est d’abord penchée sur le degré de ressemblance, qui selon elle constitue le facteur décisif. La CAF n’a pas été convaincue que la CF avait commis une erreur manifeste et déterminante dans son appréciation du degré de ressemblance entre les marques. Puisqu’aucune preuve nouvelle n’avait été présentée à cet égard, il y avait lieu d’accorder un degré élevé de déférence aux conclusions de la COMC.

La CAF s’est ensuite penchée sur la question du caractère distinctif inhérent et acquis des marques. L’appelante avait seulement présenté une nouvelle preuve concernant l’acquisition d’un caractère distinctif. Par conséquent, la CAF devait déterminer si la CF avait erré en évaluant les motifs de la COMC à l’égard du caractère distinctif inhérent et en effectuant sa propre analyse de l’acquisition de ce caractère. La CAF a rejeté les arguments invoqués par l’appelante à cet égard.

La CAF a également considéré la période pendant laquelle les marques avaient été en usage. Elle a fait remarquer que le simple désaccord de l’appelante quant à l’appréciation par la CF de la nouvelle preuve présentée à cet égard ne suffisait pas pour qu’elle intervienne.

L’appelante s’est opposée à l’importance qu’avaient accordée la COMC et la CF au genre de produits, services et entreprises et à la nature du commerce. La CAF a conclu qu’il n’y avait aucune erreur manifeste et déterminante à cet égard.

L’appelante a également contesté le rejet de ses autres motifs d’opposition. La CAF a examiné ces motifs en portant une attention particulière aux motifs fondés sur l’article 50 (marque non distinctive en raison de l’emploi par un tiers) et sur l’alinéa 30b) (emploi antérieur à la demande d’enregistrement) de la Loi sur les marques de commerce. La CAF a conclu que l’appelante n’a fait que réitérer les arguments présentés devant la COMC et la CF et qu’elle n’a pas réussi à démontrer l’existence d’une erreur manifeste et déterminante. Par conséquent, la CAF a refusé d’infirmer la décision de la CF. La CAF a rejeté l’appel, avec dépens en faveur de l’intimée.

REMARQUE : Rien de ce que qui figure sur ce microsite ne constitue un avis juridique. Le présent contenu est publié strictement à titre informatif.

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