une main qui tient une guitare

Perspectives

Vision 2020? L’impact des élections américaines sur le droit et les affaires au Canada

Maintenant que les bureaux de scrutin sont fermés, et alors que le décompte des voix se poursuit, une grande incertitude demeure quant au résultat final de l’élection présidentielle américaine de 2020.

Alors que des contestations ont été portées devant les tribunaux de plusieurs États, il semble qu’une certaine ambiguïté quant aux résultats définitifs du scrutin persistera pour un certain temps encore. Il existe des différences considérables entre les politiques adoptées par l’administration de Donald Trump depuis 2016 et les promesses contenues dans la plateforme électorale de Joe Biden. BLG a compilé une série de premières réactions aux résultats des élections américaines mettant en lumière les différences de politiques, les possibilités et les risques potentiels pour le droit et les affaires au Canada advenant la victoire de Trump ou la victoire de Biden.

Commerce

Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada et les résultats des élections américaines auront un impact considérable sur le Canada.

Réélection de Trump

Dans le cas d’une victoire de Trump, nous nous attendons au maintien des politiques protectionnistes américaines. Cela signifierait une réduction du soutien américain aux organisations internationales (l’OMC, l’OMS et l’OTAN, pour ne citer que celles-là), la prise de mesures commerciales unilatérales comme l’imposition de droits de douane sur l’acier et l’aluminium canadiens, une pression continue sur des secteurs canadiens précis, notamment ceux du bois d’œuvre et de l’agriculture sous gestion de l’offre, et la perte potentielle des avantages que les entreprises canadiennes retirent grâce aux possibilités de conclure des marchés publics aux États-Unis.

Malgré un débat de plus en plus nourri sur des règles commerciales « vertes » assorties d’obligations environnementales contraignantes, nous nous attendons à ce qu’une administration Trump rejette toute politique commerciale associée au climat, étant donné le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris de 2015 et le soutien de l’administration actuelle au maintien du statut des États-Unis à titre d’exportateur net de produits énergétiques. En fait, une seconde administration Trump réagirait fortement à toute initiative du Canada, ou de tout autre pays, visant l’application de politiques commerciales associées au climat.

Élection de Biden

Une administration Biden ne donnerait pas lieu à un changement radical de la politique commerciale américaine à l’égard du Canada. Nous nous attendons plutôt à un ton plus conciliant envers le Canada, caractérisé par un recours moins fréquent à des décrets protectionnistes, et par davantage de discussions bilatérales sur les questions commerciales. Nous nous attendons également à ce qu’une administration Biden envisage de se servir du commerce international pour lutter contre les changements climatiques en imposant peut-être des droits de douane sur les importations à forte teneur en carbone ou en établissant de nouveaux règlements environnementaux, deux mesures qui pourraient nuire au secteur pétrolier et gazier du Canada.

L’un des thèmes dominants de la campagne de Biden a été son plan « Buy American » visant à rapatrier la production et à favoriser les produits américains dans les préférences d’achat des pouvoirs publics, ce qui risque d’exclure les fabricants canadiens.

Sur le plan international, une administration Biden pourrait jouer un rôle constructif dans les mesures prises pour réformer l’OMC et mettre fin à l’impasse actuelle au sujet de l’Organe d’appel. Le Canada aurait tout à gagner de l’instauration d’un système de règlement des différends efficace à l’OMC. De plus, une administration Biden donnerait probablement un nouveau souffle aux efforts multilatéraux visant à établir de nouvelles règles sur la taxation des services numériques internationaux en vertu des lois fiscales nationales.

Environnement et énergie

Réélection de Trump

Même si la campagne de Trump ne comportait pas de programme environnemental officiel, un deuxième mandat de Trump donnerait probablement lieu à la poursuite de la déréglementation qui a caractérisé son administration sur le plan de la politique environnementale. Au nombre des règlements qui ont été abrogés, annulés ou remis à plus tard depuis l’élection de 2016, mentionnons ceux concernant les limites imposées sur les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production d’électricité, les objectifs en matière de consommation de carburant et les règles limitant les émissions de méthane provenant de la production de pétrole et de gaz et obligeant leur déclaration.

L’administration Trump a réduit les obstacles à la production et à l’utilisation de combustibles fossiles, notamment en levant les interdictions de prospection pétrolière et gazière dans la Réserve faunique nationale de l’Arctique et dans les eaux côtières. Bon nombre des règlements abrogés sous l’administration Trump reposaient sur un consensus auquel étaient parvenus le gouvernement Trudeau et l’administration Obama; leur report ou leur abrogation a eu des répercussions sur le cadre réglementaire canadien.

L’administration Trump a toujours appuyé le projet d’oléoduc Keystone XL. Le président Trump a délivré à deux reprises des permis autorisant sa construction, d’abord en 2017, puis, la dernière fois, en mars 2019, en réponse à une décision d’une cour fédérale qui a jugé que le projet ne tenait pas suffisamment compte des répercussions environnementales.

Bien qu’une réélection de Trump ne puisse garantir l’achèvement du projet Keystone XL, elle serait néanmoins de bon augure pour l’oléoduc et pour le gouvernement du premier ministre albertain Jason Kenney, qui s’est récemment engagé à verser 1,5 milliard de dollars en investissements directs et à accorder six milliards de dollars en prêts garantis pour la réalisation du projet.

Une administration Trump serait, semble-t-il, prête à approuver la mise en place de nouvelles infrastructures transfrontalières : en septembre 2020, le président Trump a délivré un permis autorisant une éventuelle liaison ferroviaire transfrontalière qui, à terme, pourrait permettre le transport de fret, dont du bitume, de l’Alberta vers l’Alaska.

À l’échelle mondiale, l’administration Trump a fait part, en novembre 2019, de son intention de se retirer de l’Accord de Paris au lendemain des élections de 2020. Le retrait des États-Unis risque de désavantager les exportateurs et les fabricants canadiens par rapport à leurs homologues américains. Cette situation s’explique par le fait que le Canada a dû adopter des règlements et des normes environnementales plus stricts en matière d’émissions pour respecter les obligations que lui impose l’Accord de Paris. Cette question avait été soulevée dans plusieurs secteurs d’activités après l’élection du président Trump en 2016, mais le gouvernement fédéral du Canada a fait peu de choses depuis pour tenter de répondre aux préoccupations exprimées au sujet de la compétitivité.

Élection de Biden

Le programme électoral de M. Biden comporte d’ambitieux engagements en matière d’environnement. Parmi ceux-ci, mentionnons la promesse d’annuler le permis délivré par le président Trump autorisant la construction de l’oléoduc Keystone XL. Cette annulation serait un coup dur pour le secteur énergétique canadien, notamment pour l’Alberta. Malgré la promesse de Biden d’annuler le projet, le premier ministre Kenney a indiqué qu’il poursuivrait ses efforts diplomatiques pour sauver l’oléoduc si Biden était déclaré gagnant.

La plateforme de Biden renferme également des promesses d’engagement renouvelé envers les accords internationaux sur le climat. Entre autres engagements, l’administration Biden réitérerait dès le premier jour son adhésion à l’Accord de Paris. Reste à savoir si cela donnerait lieu à une loi fédérale américaine de grande envergure sur les émissions de gaz à effet de serre ou encore à une réapparition de programmes d’État comme la Western Climate Initiative.

Une victoire de Biden pourrait amener les États-Unis à exercer des pressions diplomatiques et économiques pour inciter d’autres pays à se joindre à eux pour resserrer les objectifs en matière climatique. Les États-Unis pourraient ainsi interdire à l’échelle mondiale les subventions gouvernementales pour la production de combustibles fossiles et faire en sorte d’étendre aux niveaux national et international les normes californiennes concernant la teneur en carbone des combustibles, normes qui pourraient même aller au-delà de certaines exigences de la future Norme sur les combustibles propres proposée par le Canada.

Les pressions économiques pourraient notamment se traduire par des « droits d’ajustement carbone », c’est-à-dire des droits de douane sur les importations en provenance de pays qui ne parviennent pas à réduire leurs émissions conformément à l’Accord de Paris. Comme le Canada risque de rater de beaucoup ses objectifs pour 2030, l’imposition de tels droits pourrait nuire aux échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada.

Dans sa plateforme, Biden a promis en outre de rétablir des règlements qui ont été abrogés, annulés ou remis à plus tard depuis 2016. Biden a promis, par exemple, de rétablir les limites d’émissions de méthane pour la production actuelle et future de pétrole et de gaz qui ont été annulées par l’Agence des États-Unis pour la protection de l’environnement en septembre 2020.

Ces limites assorties d’obligations de déclaration faisaient suite à l’accord convenu entre les gouvernements Obama et Trudeau en mars 2016, mais leur application a été retardée aux États-Unis après l’élection de 2016. Le Canada a emboîté le pas afin d’éviter d’assujettir les producteurs nationaux de pétrole et de gaz à des exigences plus strictes que celles auxquelles leurs concurrents américains sont soumis.

Si la version canadienne de ces règlements a finalement été mise en œuvre en janvier 2020, le calendrier actuel ne prévoit pas de mise en œuvre intégrale des exigences de contrôle du méthane avant 2023. Le rétablissement de cette réglementation du côté américain de la frontière, qui serait conforme à la plateforme électorale de M. Biden, pourrait raccourcir la durée de cette période de mise en œuvre, ce qui pourrait signifier que les producteurs canadiens de pétrole et de gaz seraient soumis à cette réglementation beaucoup plus tôt que prévu initialement. Le rétablissement d’autres règlements imposant des normes plus strictes en matière d’économie de carburant au sud de la frontière pourrait avoir des effets similaires sur les normes au Canada.

Fiscalité

Réélection de Trump

Nous pensons qu’une victoire de Trump signifierait le maintien des taux d’imposition des sociétés et des politiques commerciales actuellement en vigueur aux États-Unis. En 2018, la réduction du taux d’imposition des sociétés aux États-Unis prévue par la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) a en grande partie éliminé l’avantage de taux d’imposition dont bénéficiaient jusque-là les sociétés canadiennes.

Si l’on superpose les impôts d’État au taux fédéral américain des sociétés, qui est de 21 %, les taux américains sont généralement comparables aux taux généraux fédéraux-provinciaux que paient les sociétés au Canada (entre 23 et 27 % actuellement). Le maintien d’un faible taux d’imposition des sociétés aux États-Unis devrait empêcher le Canada d’envisager des augmentations du taux d’imposition des sociétés, en dépit des pressions exercées par les partis politiques pour imposer plus lourdement les entreprises afin de financer les programmes sociaux.

Dans sa campagne, Trump a proposé de consacrer 100 % des dépenses d’investissement à la « relance de l’industrie manufacturière », mais on ne sait pas exactement quels secteurs seraient touchés. Selon la façon dont elle serait mise en œuvre, une telle mesure pourrait accroître la pression exercée sur le Canada pour qu’il améliore ses programmes d’amortissement accéléré afin d’aider les industries canadiennes à demeurer compétitives.

Au Canada, le système fédéral de taxation du carbone, adopté en 2018, ne prévoit pas pour le moment de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour protéger l’industrie canadienne contre les importations en provenance de pays où il n’existe aucun régime de tarification comparable. De nombreux experts affirment que le Canada a besoin d’un tel mécanisme pour protéger à la fois l’économie et l’environnement, d’autant plus que le tarif sur les émissions de carbone est appelé à augmenter au fil du temps.

Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourrait prendre la forme de droits de douane à l’importation ou de rabais à l’exportation applicables dans les cas où il n’existe aucun régime équivalent de tarification du carbone dans l’autre pays. Bien que l’UE étudie actuellement la question, il semble difficile pour le Canada d’envisager des mesures similaires sous une administration Trump. Toute proposition donnant lieu à l’imposition de droits de douane sur les importations américaines occasionnerait fort probablement une perturbation des échanges commerciaux.

Élection de Biden

Le programme électoral de M. Biden proposait un certain nombre de mesures fiscales, notamment une augmentation générale du taux d’imposition des sociétés. Si le taux d’imposition fédéral des sociétés aux États-Unis passe de 21 %, son taux actuel, à 28 %, comme le propose M. Biden, le Canada pourrait retrouver une partie de l’avantage fiscal dont il bénéficiait avant l’adoption de la TCJA. Toutefois, cette augmentation du taux aux États-Unis pourrait amener le gouvernement fédéral du Canada à céder aux pressions des partis politiques de gauche pour augmenter le taux d’imposition des sociétés afin de financer les programmes sociaux.

Les plans de M. Biden comprennent également un certain nombre de politiques visant à empêcher la délocalisation; ces politiques pourraient défavoriser les investissements américains au Canada, notamment le crédit d’impôt de 10 % « Made in America » proposé, la surtaxe sur certains biens et services importés et le renforcement des règles anti-inversion. Nous pensons que les modifications fiscales proposées par M. Biden ne pourront être apportées que si les démocrates conservent le contrôle de la Chambre et obtiennent celui du Sénat.

Dans sa campagne, M. Biden s’est engagé à mettre en place des politiques en matière de changement climatique et à intégrer ces politiques à la politique américaine de commerce extérieur. Si les États-Unis mettent en œuvre un système de tarification du carbone, cela risque d’atténuer le désavantage concurrentiel avec lequel doivent actuellement composer les industries canadiennes soumises au régime canadien de taxe sur les émissions carboniques. L’adoption d’une politique de tarification du carbone par les États-Unis pourrait inciter le Canada à introduire un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ce qui pourrait accroître la compétitivité du Canada à l’extérieur du marché nord-américain.

De nombreux experts affirment qu’un tel mécanisme, actuellement envisagé par l’UE, est nécessaire pour protéger à la fois l’économie et l’environnement, d’autant plus que le tarif canadien sur les émissions de carbone est appelé à augmenter au fil du temps. Un tel mécanisme pourrait prendre la forme de droits de douane à l’importation ou de rabais à l’exportation applicables dans les cas où il n’existe aucun régime équivalent de tarification du carbone dans l’autre pays. Si les États-Unis ne se tournent pas vers la tarification du carbone, il serait difficile pour le Canada d’envisager de telles mesures, puisque toute proposition donnant lieu à l’imposition de droits de douane sur les importations américaines entraînerait fort probablement une perturbation des échanges commerciaux.

Conclusion

Même si les opinions exprimées dans le présent document traduisent notre compréhension actuelle des possibilités et des difficultés liées à une victoire de Trump ou de Biden, selon le cas, nous sommes conscients que la grande incertitude entourant le cycle électoral aux États-Unis a touché d’une manière ou d’une autre presque toutes les entreprises.

Alors que le dépouillement du scrutin et les contestations judiciaires se poursuivent, BLG se tient à l’affût des développements politiques et juridiques aux États-Unis et de leurs répercussions sur les affaires et le droit dans un contexte canadien et transfrontalier. BLG continuera à publier des mises à jour à ce sujet.

Les avocats de BLG sont à votre disposition pour répondre à toute interrogation sur ces questions et sur la façon dont elles peuvent toucher votre entreprise. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec l’une des personnes-ressources ci-dessous.

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