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Perspectives

Projet de loi n° 12 : des pouvoirs accrus pour l’Autorité des marchés publics

Le 3 février dernier, le projet de loi n° 12, Loi visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, à renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics, a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec afin d’appuyer la nouvelle stratégie québécoise pour promouvoir l’achat local,  renforcer le régime d’intégrité des entreprises dans le cadre de la gestion des contrats publics et accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics sur celles-ci.

Les experts de BLG vous proposent un sommaire des éléments importants à retenir de ce projet de loi ainsi que des changements envisagés à la législation présentement en vigueur.

L’achat québécois et responsable

Ce projet de loi a d’abord pour objectif de promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP). À cet effet, de nouvelles dispositions auront pour but de favoriser le développement économique du Québec.

Pour les contrats d’approvisionnement, de services ou de travaux de construction comportant une dépense, incluant les options, égale ou supérieure au seuil minimal prévu dans tout accord intergouvernemental, mais inférieure au seuil minimal applicable en vertu de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et ses États membres, les modifications apportées par le projet de loi ont pour objectif de:

  • Permettre au Conseil du trésor de mettre en place un programme autorisant les organismes publics à réserver des appels d’offres publics aux petites entreprises du Québec;
  • Privilégier l’acquisition de biens, de services ou de travaux de construction québécois lors de l’adjudication ou de l’attribution des contrats, et;
  • Accorder une marge préférentielle d’au plus 10 % en fonction de la valeur ajoutée québécoise.

Pour les contrats qui ne sont pas assujettis à un accord intergouvernemental, les modifications amenées par le projet de loi ont pour objectif de :

  • Privilégier le recours à la procédure d’appel d’offres public régionalisé, et;
  • Privilégier l’acquisition de biens, de services ou de travaux de construction québécois lors de l’adjudication ou de l’attribution de contrats d’approvisionnement, de services ou de travaux de construction.

De plus, le projet de loi prévoit également qu’un contrat comportant une dépense inférieure au seuil d’appel d’offres public peut être adjugé par un organisme public soit à la suite d’un appel d’offres public, soit sur invitation, soit par attribution de gré à gré. Si l’organisme public recourt à un appel d’offres, il doit privilégier la régionalisation de celui-ci ou l’invitation d’entreprises de la région concernée, selon le cas, et privilégier l’acquisition de biens, de services ou de travaux de construction québécois. Si l’organisme public procède de gré à gré, il doit privilégier l’acquisition de biens, de services ou de travaux de construction québécois auprès des entreprises de la région concernée et une rotation parmi celles-ci.

Le régime d’intégrité des entreprises

Le pouvoir de l’Autorité des marchés publics

Le projet de loi vise également à renforcer le régime d’intégrité des entreprises prévu par la LCOP ainsi qu’à élargir les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics (AMP). Pour ce faire, le projet de loi :

  • Assujettit au pouvoir de surveillance de l’AMP toute entreprise détenant son autorisation de contracter avec un organisme public ou étant partie à un contrat ou un sous-contrat public au sens de la LCOP;
  • Prévoit que, pour exercer ce pouvoir de surveillance, l’AMP possédera les pouvoirs nécessaires à la vérification de l’intégrité de toute entreprise assujettie à sa surveillance, notamment celui d’exiger à une entreprise de lui fournir en tout temps tout document et renseignement jugé utile à l’exercice de ses fonctions. En outre, l’AMP pourra faire enquête sur toute question se rapportant à sa mission de surveillance des contrats publics;
  • Introduit le pouvoir de l’AMP d’imposer des mesures correctrices à toute entreprise ne satisfaisant pas les exigences d’intégrité requises dans le cadre de l’exécution de contrats ou de sous-contrats publics, et confère à l’AMP un pouvoir de surveillance et d’accompagnement de ces entreprises;
  • Permet à l’AMP de suspendre provisoirement une autorisation de contracter émise sous le régime de la LCOP, et;
  • Prévoit qu’en certaines circonstances, une entreprise dont l’autorisation de contracter est suspendue provisoirement pourra poursuivre la réalisation de tout contrat ou sous-contrat public en cours d’exécution tout en mettant en œuvre les mesures correctrices imposées par l’AMP et en se soumettant à son pouvoir d’accompagnement et de surveillance.

Notez que pour les contrats en cours à la date de l’entrée en vigueur des dispositions applicables, les nouvelles dispositions du projet de loi n° 12 n’auront pas pour effet d’assujettir les entreprises à la surveillance de l’AMP ni aux mesures et sanctions qui peuvent en découler.

Les autorisations de contracter

En ce qui concerne la demande de délivrance d’une autorisation de contracter, le projet de loi propose les modifications suivantes :

  • L’autorisation de contracter devra être détenue par une entreprise au moment du dépôt d’une soumission pour l’obtention d’un contrat ou d’un sous-contrat public sujet à la LCOP ou de la conclusion d’un tel contrat de gré à gré. Ainsi, il ne sera plus possible pour un organisme public de prévoir qu’une telle autorisation sera requise au moment de la conclusion du contrat, par opposition au moment du dépôt de la soumission, comme cela est le cas sous le régime actuel de la LCOP;
  • Une durée de cinq ans (plutôt que de trois ans) sera prévue pour la validité d’une autorisation de contracter;
  • En ce qui concerne les autorisations de contracter qui seront en cours au moment de l’entrée en vigueur de ces nouvelles exigences, celles-ci seront automatiquement prolongées de deux ans;
  • L’introduction d’un régime de mise à jour annuel de l’information et des renseignements transmis à l’AMP, ainsi que l’obligation de divulgation continue suivant la survenance d’un changement à ces informations et renseignements; de plus, une déclaration d’intégrité devra être fournie au moment de la conclusion de tout contrat ou sous-contrat public, et;
  • Les exigences de détention d’une autorisation de contracter lorsque l’entreprise en question est un consortium prenant la forme d’une société en commandite ou en nom collectif sont clarifiées.

Il est intéressant de noter que le projet de loi introduit également la possibilité, pour une entreprise assujettie au pouvoir de surveillance de l’AMP et partie à un contrat ou un sous-contrat public, de se soumettre volontairement à un examen de son intégrité par l’AMP. Un tel examen pourra être demandé par une entreprise avant qu’elle ne soit inscrite au registre des entreprises non admissibles aux contrats publics et permettra en outre à une telle entreprise de se conformer aux mesures correctrices imposées par l’AMP au terme de cet examen, pour ainsi poursuivre la réalisation du contrat auquel elle est partie.

Les sanctions administratives pécuniaires et pénales

Le projet de loi introduit un régime de sanctions administratives pécuniaires dans la LCOP et ajoute de nouvelles dispositions pénales dans plusieurs lois impactées par la LCOP et le projet de loi n° 12. Les sanctions administratives pécuniaires pourront être imposées dans les cas suivants, à une entreprise :

  1. qui présente une soumission pour un contrat public ou un sous-contrat public ou conclut un tel contrat ou un tel sous-contrat, alors qu’elle est inadmissible aux contrats publics ou qu’elle ne détient pas l’autorisation de contracter requise pour la conclusion d’un tel contrat ou d’un tel sous-contrat, sauf s’il lui a été permis de conclure ce contrat ou ce sous-contrat en vertu de l’article 25.0.3;
  2. qui, dans le cadre de l’exécution d’un contrat public avec un organisme public ou avec un organisme visé à l’article 7, conclut un sous-contrat public avec une entreprise inadmissible ou qui ne détient pas l’autorisation de contracter requise pour la conclusion d’un tel sous-contrat, sauf s’il lui a été permis de conclure ce sous-contrat en vertu de l’article 25.0.3;
  3. dont l’autorisation de contracter expire alors qu’elle exécute un contrat public ou un sous-contrat public pour lequel une telle autorisation est requise;
  4. qui, alors qu’elle est partie à un contrat public ou à un sous-contrat public ou qu’elle détient une autorisation de contracter, omet ou refuse de transmettre à l’AMP, dans les délais et selon les conditions et modalités prescrits, un document ou un renseignement requis pour l’application du chapitre V.1 (Régime d’intégrité des entreprises);
  5. qui omet ou refuse de confirmer, au moyen d’une déclaration sous serment, l’authenticité de documents ou la véracité de renseignements communiqués à l’AMP;
  6. qui fait défaut de se soumettre à une mesure de surveillance ou d’accompagnement qui lui est imposée par l’AMP en application du chapitre V.1 (Régime d’intégrité des entreprises) ou, lorsque la mesure a été appliquée par l’AMP elle-même, fait défaut d’en acquitter les frais auprès de celle-ci.

De plus, un règlement de l’AMP pourra prévoir qu’un manquement à un règlement pris en application du chapitre V.1 de la LCOP (Régime d’intégrité des entreprises) peut donner lieu à une sanction administrative pécuniaire.

Pour ce qui est des sanctions administratives pécuniaires, l’AMP devra élaborer et rendre public un cadre général d’application de ces sanctions administratives. De plus, un registre des sanctions administratives pécuniaires sera établi et l’AMP devra y consigner, notamment, le nom de l’entreprise visée, la date et la nature de la sanction ainsi que le montant imposé et tout autre renseignement que l’AMP estime d’intérêt public.

En ce qui concerne les dispositions pénales, le projet de loi propose les modifications suivantes :

  • Une amende pour une déclaration fausse ou trompeuse pourra désormais être imposée pendant l’exécution du contrat et non seulement lors de la soumission;
  • Une amende de 5 000 $ à 30 000 $ dans le cas d’une personne physique et 15 000 $ à 100 000 $ dans les autres cas pourra être imposée en raison d’une entrave ou tentative d’entrave à l’action d’une personne dans l’exercice de ses fonctions de vérification. Cette amende s’ajoute au régime actuel de la LCOP relativement à l’interdiction d’une entreprise de communiquer ou tenter de communiquer avec un membre d’un comité de sélection dans le but d’influencer un appel d’offres, et;
  • La preuve qu’une infraction à une disposition pénale a été commise par un agent, mandataire ou employé d’une entreprise sera suffisante pour entraîner la responsabilité de cette entreprise à moins que celle-ci n’établisse qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.   

Il importe également de souligner que les dispositions pénales contenues au projet de loi et modifiant la Loi sur l’Autorité des marchés publics ainsi que la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics prévoient également des amendes pouvant aller jusqu’à 250 000 $ en certaines circonstances, notamment en raison de la communication de renseignements faux ou trompeurs à l’AMP ou en cas d’exercice de mesures de représailles contre toute personne au motif qu’elle a communiqué de bonne foi des renseignements ou collaboré à une vérification de l’AMP à la suite d’une telle communication ou menace de le faire. Le montant de ces amendes est, en cas de récidive, porté au double.

Entrée en vigueur 

Les dispositions du projet de loi n° 12 entreront en vigueur au moment de sa sanction sauf celles introduisant les règles en matière de développement durable et d’achat québécois, qui entreront en vigueur 6 mois après cette sanction, ainsi que celles relatives aux obligations de déclarations d’intégrité ou à la faculté de se soumettre volontairement à l’examen de son intégrité par l’AMP. Il en va de même pour celles sur les sanctions administratives pécuniaires et pénales, qui entreront en vigueur au moment de l’entrée en vigueur des règlements adoptés par l’AMP en application de ces nouvelles règles, et de celles relatives à l’obligation d’une mise à jour annuelle de l’information, des renseignements et des règles relatives aux demandes de renouvellement des autorisations de contracter, qui entreront pour leur part en vigueur douze mois après la sanction du projet loi n° 12.

Pour toute question sur les récents développements concernant ce cadre juridique, les contrats des organismes publics, les autorisations de contracter et les pouvoirs de l’AMP en la matière, veuillez communiquer avec l’un des membres de BLG indiqués ci-dessous.

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