Parmi les vastes efforts législatifs déployés dans le cadre du projet de loi 5, Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en libérant son économie (projet de loi 5), le gouvernement de l’Ontario propose une série de réformes législatives destinées à accélérer le processus d’approbation des projets miniers et d’infrastructures essentielles. L’une des propositions les plus lourdes de conséquences prévoit des modifications à la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition1 (LEVD).
La LEVD, qui établit un cadre d’inscription et de délivrance des permis pour les activités susceptibles de toucher les espèces protégées, interdit actuellement toute atteinte aux espèces inscrites sur la liste des espèces en péril et à leurs habitats. Les modifications législatives proposées marquent un changement fondamental dans le paysage réglementaire de la province, et auront des retombées importantes pour les promoteurs de projet.
Ces changements seront mis en œuvre en deux étapes. Les principales modifications apportées à la LEVD entreront en vigueur dès la sanction royale du projet de loi 5, créant un cadre provisoire qui restreint la définition d’« habitat », rationalise le processus de délivrance de permis et élimine l’option d’un paiement en remplacement d’une activité bénéfique. Ce cadre provisoire deviendra caduc avec la promulgation de la Loi de 2025 sur la conservation des espèces (LCE), qui remplacera la LEVD dans son intégralité. Toutefois, la LCE entrera en vigueur uniquement lorsque la province aura achevé les consultations publiques et l’élaboration des règlements d’application.
Restriction des protections visant les habitats et modification de l’objet de la LEVD
Parmi les modifications proposées les plus lourdes de conséquences, il y a celle qui vient restreindre la définition du terme « habitat ». Dans la LEVD actuelle, « habitat » s’entend entre autres d’une aire dont une espèce dépend directement ou indirectement pour ses processus de vie, comme la migration, l’alimentation ou l’hibernation.2 Les modifications proposées limiteraient la définition d’« habitat » pour les espèces animales aux habitations physiques (par exemple les tanières, les nids et les gîtes d’hibernation) et aux aires contiguës nécessaires à la reproduction, à l’élevage ou à l’hibernation.
La nouvelle définition d’« habitat » réduirait considérablement la superficie des terres protégées par la LEVD. Actuellement, lorsqu’une espèce est inscrite comme étant en voie de disparition ou menacée, son habitat est automatiquement protégé en vertu de l’article 10 de la LEVD. Le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs (MEPP) se réfère aux descriptions de l’habitat général (DHG), des documents techniques qui précisent les aires utilisées par une espèce pour ses processus de vie, afin de décider si les activités proposées risquent d’endommager ou de détruire des habitats protégés. Néanmoins, la définition proposée limiterait la protection de l’habitat à l’habitation physique de l’espèce et à l’aire immédiate qui est essentielle à la reproduction, à l’élevage, à l’hibernation ou à d’autres fonctions similaires.
Cette modification semble rendre les DHG largement inutiles pour déterminer si une activité déclenche l’application d’exigences réglementaires ou de mesures d’application prévues par la LEVD. Les implications pratiques d’un tel changement sont illustrées par une récente motion en autorisation d’interjeter appel d’une décision de la Cour de justice de l’Ontario annulant une condamnation en vertu de la LEVD, R. c. Consolidated Homes Ltd.,3 où la question centrale consistait à définir l’habitat de la tortue mouchetée. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que bien que les DHG peuvent éclairer une question, ce ne sont pas des instruments juridiques qui permettent à eux seuls de conclure qu’une aire constitue bel et bien un habitat protégé au titre de l’article 10. La restriction proposée de la définition prévue par la loi semble réduire en partie l’incertitude liée au fait de s’appuyer sur des documents techniques, tels que les DHG, pour tenter de délimiter l’habitat protégé.
Le projet de loi propose également une nouvelle disposition de déclaration d’objet pour la LEVD. Alors que la LEVD met l’accent sur l’identification, la protection et le rétablissement des espèces en péril et de leurs habitats ainsi que sur la promotion des activités d’intendance, le nouvel objet exigerait explicitement des décideurs qu’ils prennent en compte les considérations sociales et économiques en plus des facteurs écologiques4. Ce changement montre une évolution vers un cadre plus favorable au développement qui cherche à équilibrer la protection des espèces avec d’autres objectifs d’intérêt public.
Le passage à un modèle qui priorise l’enregistrement
Parmi les éléments centraux des modifications proposées, il y a le passage à un modèle qui priorise l’enregistrement. Selon cette approche, la plupart des activités susceptibles d’avoir un impact sur les espèces inscrites seraient autorisées grâce à une procédure d’enregistrement en ligne, à condition que les promoteurs respectent les conditions réglementaires prescrites. Ainsi, les promoteurs pourraient entreprendre une activité réglementée immédiatement après avoir effectué l’enregistrement, sans devoir attendre que le MEPP approuve une demande de permis. L’objectif est de rationaliser le processus d’approbation et de réduire les retards d’exécution des projets. Il convient de noter que de nombreuses activités touchant des espèces protégées sont déjà réglementées et prévoient l’enregistrement plutôt que l’octroi de permis dans le cadre de la LEVD actuelle.
Harmonisation avec les mesures de protection fédérales : Moins de double emploi et plus la clarté
Afin de réduire les chevauchements avec la Loi sur les espèces en péril (LEP)5, l’Ontario propose de ne plus réglementer les espèces aquatiques et les oiseaux migrateurs qui sont déjà protégés par la loi fédérale. Actuellement, les promoteurs qui entreprennent des projets sur des terres non fédérales doivent se conformer aux exigences fédérales et provinciales en ce qui a trait aux espèces en péril, ce qui nécessite l’obtention de permis distincts. Une fois la nouvelle LCE en vigueur, l’Ontario cessera de réglementer les espèces visées par la LEP qui se trouvent sur les terres non fédérales, éliminant ainsi la nécessité d’obtenir des approbations qui se chevauchent.
Listes d’espèces et pouvoirs de surveillance
Dans le cadre de la LEVD actuelle, les espèces protégées sont évaluées et classées par le Comité de détermination du statut des espèces en péril en Ontario (CDSEPO), un organisme indépendant qui identifie les espèces à ajouter à la Liste des espèces en péril en Ontario. Selon les modifications proposées, le gouvernement pourrait ajouter ou retirer des espèces de la liste, mais toute espèce inscrite devra conserver la même classification (par exemple en danger ou menacée) que celle attribuée par le CDSEPO.
Élimination progressive de l’Agence pour l’action en matière de conservation des espèces
Les modifications prévoient également la dissolution de l’Agence pour l’action en matière de conservation des espèces (AACE). Cette agence a été créée pour gérer les paiements effectués en remplacement de mesures de conservation directes. Depuis sa création en 2021, l’AACE n’a mis en œuvre aucun projet financé et se trouve toujours à la phase de démarrage opérationnel.
À l’avenir, les promoteurs ne pourront plus choisir de payer une redevance au lieu d’entreprendre des mesures d’atténuation sur le terrain. Le fonds connexe sera dissous, et le régime de redevances cessera d’exister.
Modifications relatives à la gouvernance et à l’application de la loi
En ce qui concerne l’application de la loi, l’Ontario propose de moderniser les outils de conformité dans le cadre de la LEVD actuelle et de la future LCE. Les nouveaux outils d’application de la loi comprennent les suivants :
- Des ordres de contravention pour faire cesser les activités illégales.
- Des arrêtés d’atténuation pour imposer la prise de mesures de restauration ou de mesures correctives.
- Des pouvoirs accrus en matière d’enquête et d’inspection.
Ces outils visent à permettre plus de souplesse dans l’application de la loi en tenant compte des risques.
Période de transition et calendrier de mise en œuvre
Les modifications qui doivent être apportées à la LEVD prendront effet immédiatement après la sanction royale du projet de loi 5 et le demeureront jusqu’à la proclamation de la nouvelle LCE. Au cours de la période de transition :
- La définition actuelle d’« habitat » continuera à s’appliquer à tous les permis et accords existants en application de la LEVD. La nouvelle définition plus restrictive ne s’appliquera qu’aux nouvelles décisions.
- Les permis existants resteront valables et les nouveaux permis seront délivrés selon une procédure simplifiée ne prévoyant aucun « type » de permis spécifique.
- Il sera toujours possible d’obtenir des exemptions conditionnelles lors de l’enregistrement, mais la possibilité de payer une redevance en remplacement de la prise de mesures sera supprimée.
La transition complète vers le modèle qui priorise l’enregistrement ne surviendra qu’après l’adoption de la LCE et l’élaboration des règlements d’application dans le cadre d’une consultation publique.
Ce que cela signifie pour les promoteurs
Les promoteurs qui ont un projet en cours ou qui est prévu devraient :
- revoir leurs stratégies de conformité environnementale à la lumière des définitions restreintes du terme habitat;
- se tenir au fait de la mise en œuvre de la LCE et de ses règlements d’application;
- examiner l’incidence que pourrait avoir la perte de l’option de redevance sur les calendriers et les budgets des projets.
Communiquez avec nous
Pour toute question au sujet de la LCE à venir et de ses implications ou du cadre provisoire introduit par le projet de loi 5, n’hésitez pas à communiquer avec les personnes-ressources ci‑dessous.