* Cet article a été publié pour la première fois sur le site Web de l’Association du Barreau de l’Ontario.
En Ontario, des comités de dérogation imposent souvent des conditions pour l’autorisation de dérogations mineures. La plupart du temps, la personne qui cherche à faire approuver une dérogation mineure au règlement municipal de zonage applicable est d’accord avec les conditions, ou du moins est prête à les accepter pour obtenir l’autorisation, même si elles ne lui plaisent pas.
Le pouvoir d’imposer des conditions que la loi donne aux comités est large, mais pas illimité. Dans l’affaire Newstrom Investments Inc. v. Richmond Hill (City), 2024 CarswellOnt 16624, le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire a confirmé le principe bien établi selon lequel la condition doit être « raisonnablement liée » à la dérogation demandée, en particulier lorsqu’il s’agit du pouvoir de la municipalité d’élargir les routes.
Contexte
Dans l’affaire Newstrom, la demanderesse voulait faire autoriser six dérogations au règlement de zonage no 2523 de Richmond Hill afin de régulariser, dans son état actuel, un logement individuel de deux étages ainsi que les structures accessoires et la piscine situées dans la cour arrière.
Le comité de dérogation de la Ville a approuvé cette demande sous réserve de trois conditions, dont une forçant la demanderesse à céder, sans frais pour la Ville, une bande de terrain de 3,0 mètres le long de la façade d’environ 22 mètres de la propriété visée attenant à l’avenue Garden aux fins d’élargissement de la chaussée (la « condition relative à l’élargissement de la chaussée »).
La demanderesse a saisi le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire pour contester cette condition. Selon elle, la Ville n’était pas habilitée à forcer une cession à titre gratuit pour l’élargissement d’une chaussée comme condition à l’autorisation des dérogations mineures, car il n’y avait pas de lien raisonnable entre ces dérogations et l’élargissement.
La preuve de la Ville a permis de confirmer que Garden Avenue était désignée comme une « rue collectrice » assortie d’une emprise de 26 mètres dans son plan officiel. Les experts de la Ville ont aussi souligné que la propriété était située à environ 300 mètres de la communauté axée sur la mobilité prévue autour du Richmond Hill Centre, un quartier qui devrait connaître une croissance importante en raison du prolongement vers le nord de la ligne de métro Yonge. Selon la Ville, le Tribunal pouvait en l’espèce imposer la condition relative à l’élargissement de la chaussée.
Un lien raisonnable doit unir les conditions imposées et les dérogations mineures demandées
À première vue, le paragraphe 45(9) de la Loi sur l’aménagement du territoire donne un large pouvoir au comité de dérogation et au Tribunal, qui peuvent imposer des conditions « appropriées » avant d’autoriser une dérogation mineure.
Le Tribunal a invoqué plusieurs décisions antérieures, dont celle rendue en 1979 par la Commission des affaires municipales de l’Ontario dans l’affaire Texaco Canada v. Guelph (City) Committee of Adjustment, 1979 CarswellOnt 547, et confirmé que les conditions doivent avoir un lien raisonnable avec les dérogations visées. Étonnamment, l’article qui habilite les comités de dérogation à assortir de conditions l’autorisation de dérogations mineures n’a presque pas changé dans les quatre décennies qui ont suivi la décision Texaco.
Dans l’affaire Newstrom, le Tribunal a déterminé que la preuve ne permettait pas de justifier la condition imposant la cession gratuite de la parcelle de terrain de la demanderesse à la Ville aux fins de l’élargissement futur de la chaussée, car elle n’était pas raisonnablement liée aux dérogations demandées. Le Tribunal a autorisé les dérogations demandées, mais a refusé d’imposer la condition relative à l’élargissement de la chaussée.
Ce qu’il faut retenir de l’affaire Newstrom
- Il doit y avoir un lien raisonnable entre la condition dont l’autorisation d’une dérogation mineure est assortie et cette dérogation.
- La municipalité doit prouver que ce lien existe.
- Le fait qu’un terrain visé par une demande de dérogation mineure longe une route qui, selon un plan officiel, doit être élargie ne suffit pas à lui seul pour donner à la municipalité le pouvoir d’exiger une cession gratuite aux fins de cet élargissement comme condition à l’autorisation de la dérogation. La municipalité doit tout de même prouver qu’il y a un lien raisonnable entre l’élargissement et la dérogation.
- Plusieurs types d’approbations exigées par la Loi sur l’aménagement du territoire peuvent être assorties de conditions (plan d’implantation, ébauche d’un plan de lotissement, autorisations, dérogations mineures, etc.). Les critères régissant l’exercice de ce pouvoir sont différents pour chaque type. Il faut s’assurer que la condition que l’on cherche à imposer est conforme au cadre législatif applicable au type d’autorisation en cause.