Le 15 août 2025, le ministère des Finances a soumis à la consultation des propositions législatives en vue d’appliquer diverses mesures fiscales, dont certaines ont déjà été annoncées. Ces propositions portent notamment sur des modifications de la partie XIX (NCD) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi de l’impôt), qui rend exécutoire la Norme commune de déclaration de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) au Canada.
Les modifications relatives à la NCD visent notamment les obligations des institutions financières déclarantes (IF), comme nous le verrons plus loin. Par « IF », on entend les entreprises du secteur de la gestion d’actifs (fonds d’investissement, courtiers en valeurs mobilières, conseillers en placement, dépositaires), les coopératives de crédit, les banques, les assureurs et les sociétés de fiducie.
Si elles sont adoptées sous leur forme actuelle, les modifications prendront effet dans environ quatre mois, au début de l’année civile 2026.
Modifications proposées à la NCD
Système de déclaration actualisé
Les modifications proposées ajoutent les nouveaux champs suivants à la déclaration annuelle de la NCD pour chaque compte déclarable :
- pour les entités non financières passives dont une ou plusieurs personnes détenant le contrôle doivent faire l’objet d’une déclaration, l’IF doit indiquer le ou les rôles qui motivent l’état de ces personnes, et si une autocertification valide a été fournie pour chacune;
- dans le cas d’une participation détenue dans une entité d’investissement constituée aux termes d’un accord juridique, le ou les rôles qui rendent la personne devant faire l’objet d’une déclaration titulaire d’une participation;
- si le titulaire du compte a produit une autocertification valide;
- le type de compte;
- s’il s’agit d’un compte préexistant ou d’un nouveau compte;
- s’il s’agit d’un compte conjoint (avec le nombre de cotitulaires, le cas échéant).
Les modifications proposées accordent aux IF des allégements transitoires limités pour les comptes financiers ouverts au 1er janvier 2026 (individuellement, un « compte existant »). Plus précisément, les IF ne sont pas tenues de fournir les renseignements visés aux points a) ou b) ci-dessus pour un compte existant s’ils ne font pas partie des données accessibles électroniquement. La dispense transitoire ne s’appliquera qu’aux périodes de déclaration 2026 et 2027.
Recommandations du GAFI
Les recommandations du Groupe d’action financière – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et la prolifération d’armes de destruction massive, adoptées en février 2012 avec leurs modifications successives (Recommandations du GAFI) constituent la « norme internationale » des mesures que chaque pays doit adopter pour lutter contre ces phénomènes.
Les pays ne sont pas tenus d’adopter des mesures exactement conformes aux recommandations du GAFI. Par conséquent, les procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client imposées aux IF en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (Partie XIX) ne s’alignent pas systématiquement sur les recommandations du GAFI.
Pour déterminer les personnes détenant le contrôle d’un titulaire de compte dans le cadre des règles actuelles, les IF peuvent se fier aux renseignements recueillis et conservés dans le cadre de leurs propres procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client. Avec les modifications proposées, l’IF ne pourra utiliser ces renseignements uniquement s’ils ont été obtenus dans le cadre de procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client conformes pour l’essentiel aux recommandations du GAFI (même si la LRPCFAT autorise des divergences). Parce que les procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client d’une IF pour identifier les « propriétaires bénéficiaires » établies dans la LRPCFAT ne s’alignent pas sur celles de la détermination des « personnes détenant le contrôle » dans les recommandations du GAFI, les IF ne pourraient plus utiliser les renseignements recueillis et conservés conformément à leurs procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client pour les contrôles diligents aux exigés par la NCD.
Entités cotées en bourse (et leurs parties liées) non soumises à déclaration
Les personnes qui ne sont pas soumises à déclaration ne le sont pas non plus au sens de la NCD (quel que soit leur statut de résidence fiscale à l’étranger). La liste actuelle des personnes qui ne sont pas soumises à déclaration comprend (i) une société dont les actions sont régulièrement négociées sur un ou plusieurs marchés de valeurs mobilières établis et (ii) toute société qui est une entité liée à une société dont les actions sont régulièrement négociées sur un ou plusieurs marchés de valeurs mobilières établis.
Les modifications proposées élargissent la liste des personnes qui ne sont pas soumises à déclaration du fait qu’elles sont négociées sur un marché de valeurs mobilières établi; elle ne se limite plus qu’aux sociétés, elle comprend désormais tous les types d’entités, notamment les fiducies et les sociétés de personnes. Cette modification réduira globalement le nombre de comptes déclarables pour une IF en élargissant la liste des personnes non soumises à déclaration.
Nouveau compte exclu applicable aux constitutions de sociétés et aux apports de capitaux
Les modifications proposées dispensent les IF des obligations relatives à la NCD pour un compte établi dans le cadre de la constitution d’une société ou d’un apport de capital à une société. Pour bénéficier de cette nouvelle exclusion, le compte doit remplir les conditions suivantes :
- Il doit être utilisé exclusivement pour le dépôt de sommes destinées à la constitution d’une société ou à l’apport en capital d’une société, conformément à la loi applicable.
- Tout montant détenu dans le compte doit être bloqué jusqu’à ce qu’une instance indépendante confirme à l’IF la constitution en société ou l’apport en capital.
- Le compte doit être fermé ou remplacé par un compte au nom de la société après la constitution ou l’apport en capital.
- Tout remboursement résultant de l’échec de la constitution ou de l’apport en capital (net de frais de fournisseur de services et autres frais similaires) doit être effectué uniquement aux personnes qui ont fourni les montants.
- Le compte ne doit pas avoir été ouvert depuis plus de 12 mois.
Comptes préexistants – efforts raisonnables pour les données manquantes (date de naissance et numéro d’identification fiscal (NIF)
Aux fins de la NCD, un compte préexistant désigne généralement un compte qui était ouvert au 30 juin 2017.
À l’heure actuelle, les IF n’ont pas l’obligation de fournir la date de naissance et le numéro d’identification fiscale (NIF) des comptes préexistants, à moins que ces informations ne soient déjà en leur possession ou qu’elles ne soient expressément requises par la Loi de l’impôt sur le revenu.
Il n’en reste pas moins que l’IF est tenue de déployer des efforts raisonnables pour obtenir le NIF ou la date de naissance (selon le cas) pour ces comptes avant la fin de la deuxième année civile qui suit celle où ils deviennent déclarables. Les modifications proposées ajoutent à l’obligation de diligence raisonnable dans l’obtention des données manquantes les cas où l’IF est tenue de mettre à jour les données du compte en application de ses propres procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client.
Autocertifications manquantes
Si une IF ne peut obtenir l’autocertification d’un nouveau compte en temps voulu pour satisfaire à ses obligations relatives à la NCD pendant la période de déclaration où le compte a été ouvert, les modifications proposées exigeront que l’IF applique les procédures de contrôle diligent pour les comptes existants jusqu’à ce que l’autocertification soit obtenue et validée.
Le ministère des Finances souligne que seules des « circonstances exceptionnelles » peuvent justifier l’absence d’autocertification pour les nouveaux comptes.
Nouvelles institutions financières proposées pour les cryptoactifs, les produits de monnaie électronique et les monnaies numériques
Les propositions législatives ajoutent les notions de cryptoactif, produit de monnaie électronique et monnaie numérique (le sujet est traité dans un autre bulletin BLG) . Parallèlement à ces propositions, les modifications proposées introduisent également de nouvelles catégories d’« institutions financières » pour les entités de ces secteurs en vertu de la NCD. En conséquence, à compter de 2026, les IF devront désormais soumettre ces nouvelles catégories d’institutions financières (avec les modifications appropriées) aux procédures applicables pour déterminer le statut d’institution financière de leur titulaire de compte.
Société à capital de risque de travailleurs
Les règles actuelles de la NCD considèrent les sociétés à capital de risque de travailleurs comme des institutions financières non déclarantes. Du fait de cette classification, la NCD n’impose aucune obligation aux sociétés à capital de risque de travailleurs.
Le projet de propositions législatives retirera les sociétés à capital de risque de travailleurs de la liste des institutions financières non déclarantes, de sorte que ces sociétés seraient désormais soumises aux obligations imposées par la NCD. Par contre, les modifications proposées exempteront ces entités des obligations imposées par la NCD sur un compte non enregistré1 dont la valeur totale des contributions n’excède pas 50 000 $ US au cours d’une année civile.
Règle anti-évitement
À l’heure actuelle, lorsqu’une personne conclut une entente ou se livre à une pratique dont l’objet principal consiste à éviter une obligation imposée par la NCD, la personne reste assujettie à cette obligation comme si elle n’avait pas conclu l’entente ou ne s’était pas livrée à la pratique.
Les modifications proposées étendront cette règle anti-évitement de la NCD des deux manières suivantes :
- la règle anti-évitement s’appliquera désormais à une « personne physique ou morale » (au lieu de se limiter à une « personne »);
- elle garantira qu’aucune personne physique ou entité ne puisse contourner la règle anti-évitement par le biais d’un intermédiaire qui conclurait un accord ou s’engagerait dans une pratique dont l’objectif serait d’éviter une obligation prévue par la NCD.
Manque de coordination avec la FATCA
Jusqu’à présent, la plupart des obligations de diligence raisonnable et de déclaration imposées aux IF par la NCD étaient généralement cohérentes avec celles prévues par la partie XVIII de la loi fiscale (FATCA). À moins que l’Agence du revenu du Canada (ARC) ne modifie ses orientations relatives à la FATCA pour les harmoniser avec les modifications proposées à la NCD, les modifications proposées causeront un décalage entre les deux régimes de diligence raisonnable et de déclaration. Par exemple, la liste des personnes non déclarables et des comptes exclus ne sera pas la même pour la NCD et la FATCA, et les éléments à fournir dans la déclaration de renseignements seront également différents entre les deux régimes.
Les institutions financières peuvent se préparer aux changements proposés pour la NCD
- Bien cerner les divergences entre les procédures contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client et les recommandations du GAFI – Les modifications proposées à la NCD insistent davantage sur la nécessité pour les IF de suivre les recommandations du GAFI lorsqu’elles se conforment à la NCD, plutôt que leurs procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client qui sont établies en conformité avec la LRPCFAT. Les spécialistes de la conformité à la NCD doivent connaître les divergences entre les recommandations du GAFI et les obligations prévues par la LRPCFAT, afin de savoir s’il est possible ou non d’utiliser les renseignements obtenus à des fins de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client dans le cadre de la NCD.
- Mettre à jour vos politiques et procédures – Lorsque les modifications proposées auront force de loi, vous devrez mettre à jour vos politiques et procédures en vue d’assurer la conformité à la NCD.
- Les changements possibles aux politiques et procédures pourraient comprendre une référence au nouveau compte exclu, les ajouts à la liste des personnes non déclarables, une description de la détermination des personnes détenant le contrôle au moyen des recommandations du GAFI (plutôt que la détermination des propriétaires bénéficiaires dans le cadre des procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et de connaissance du client de votre entreprise), et une mise à jour de vos procédures s’appliquant aux autocertifications manquantes et aux autres renseignements concernant la NCD.
- Étant donné que les modifications proposées à l’heure actuelle ne concernent que la NCD, il sera d’autant plus important pour les IF de prévoir des procédures distinctes pour assurer le respect à la fois de la NCD et de la FATCA. Dans le cadre de ses contrôles, l’ARC réclame un exemplaire de ces manuels.
- Préparer des séances de formation pour l’équipe chargée de la conformité – Les IF sont censées organiser régulièrement des séances de formation sur la conformité à la NCD. Elles devraient commencer à planifier ces séances avant la date de mise en œuvre de 2026 et à préparer les documents de formation nécessaires. Il faut conserver les registres de présence et des exemplaires de tous les documents de formation pour une éventuelle vérification par l’ARC.
- Mettre à jour les systèmes informatiques en fonction du nouveau système de déclaration – Pour les IF qui utilisent leur système informatique pour préparer leur déclaration annuelle de renseignements sur la NCD, il sera important de le mettre à jour pour y intégrer les nouveaux champs requis par le nouveau système de déclaration. Par exemple, les IF peuvent déployer une diligence raisonnable en recueillant une autocertification valide ou en utilisant des renseignements accessibles au public. Il sera désormais important pour les IF de vérifier les modalités de la diligence raisonnable afin de satisfaire aux points a) et c) du nouveau système de déclaration (décrit plus haut).
- Il faudra mettre à jour les systèmes informatiques promptement afin de permettre la saisie des nouveaux champs de déclaration pour les comptes ouverts à partir de 2026. Si l’on reprend l’exemple précédent, il serait utile que le système informatique indique si une autocertification a été recueillie au titre de la diligence raisonnable.
- Pour les comptes existants dont les nouveaux renseignements devant figurer dans la déclaration de la NCD ne se trouvent pas dans le système informatique, les IF disposent de peu de temps pour examiner le dossier client de ces comptes afin d’obtenir manuellement les renseignements manquants au cours de la période de transition et de les saisir dans le système informatique mis à jour. En reprenant l’exemple précédent, il pourrait être nécessaire de faire un examen manuel du dossier pour déterminer si une autocertification a été obtenue pour un compte existant dans le cadre de la diligence raisonnable (ou si une autre forme acceptable de diligence raisonnable a été exercée).
Si vous avez des questions sur les modifications proposées, veuillez contacter l’un des membres de notre équipe pluridisciplinaire de juristes spécialisés dans les questions réglementaires. Ces juristes disposent de connaissances et de compétences spécialisées sur la lutte contre le blanchiment d’argent, la connaissance du client, les recommandations du GAFI, le FATCA et la NCD.