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L’ajustement de la durée des brevets (ADB) pourrait s’appliquer aux brevets canadiens octroyés à compter du 1er décembre 2025. En raison des retards administratifs à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, l’ADB est devenu un aspect important des stratégies de demande de brevet. Bien que les demandeurs n’aient aucun contrôle sur certains éléments, ils peuvent reporter la requête d’examen pour augmenter la possibilité d’obtention d’une période supplémentaire. Cet article renferme des conseils pratiques sur le nouveau régime canadien d’ADB.
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L’annonce du régime canadien d’ajustement de la durée des brevets (ADB) avait été accueillie avec indifférence, étant donné le généreux délai de traitement alloué à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) pour l’examen et l’octroi d’un brevet. Au départ, on croyait que le régime s’appliquerait rarement. Depuis, il est devenu beaucoup plus accessible en raison de la multiplication des retards à l’OPIC.
Le régime d’ADB, assez complexe, prévoit pas moins de 28 catégories de « jours à soustraire » lors du calcul de la durée de la période supplémentaire. Certains renseignements nécessaires au calcul complet ne sont pas publics. Néanmoins, conceptuellement, le système s’apparente à une pendule d’échecs : la durée est calculée uniquement en fonction du temps que l’OPIC consacre à l’examen de la demande et à l’octroi du brevet. À l’aide de cette analogie, nous vous offrons des conseils pratiques sur le régime canadien d’ADB, y compris une astuce qui augmente la possibilité d’obtention d’une période supplémentaire.
- Les retards à l’OPIC devraient élargir l’admissibilité à l’ADB. L’OPIC dispose d’un délai de traitement de trois ou cinq ans (voir le point 3), à compter de la requête d’examen, pour appliquer un maximum de trois mesures administratives et octroyer un brevet après le paiement de la taxe finale (taxe d’octroi). Or, les données publiques concernant les cibles de rendement et les normes de service de l’OPIC révèlent que ces étapes peuvent prendre entre 4,25 ans (chimie et mécanique) et 4,75 ans (biotechnologie et électricité)1. Cette situation, causée en partie par les mises à niveau de serveurs et de logiciels réalisées en 2024, s’est aggravée considérablement en 2025. Si les retards persistent, l’ADB pourrait devenir très courant.
- Le délai de réponse aux mesures administratives devrait n’avoir aucun effet sur l’ADB. Comme aux échecs, l’OPIC et le demandeur ont chacun leur « horloge » : chaque fois que l’OPIC applique une mesure administrative, son horloge s’arrête et celle du demandeur démarre. À une exception près (voir le point 3), le demandeur n’a aucune influence sur le délai alloué à l’OPIC pour la réalisation des étapes obligatoires. Le temps écoulé pendant que le dossier est entre les mains du demandeur ne donne pas droit à une période supplémentaire, car il est automatiquement nullifié par les « jours à soustraire » (JAS) correspondants, calculés selon l’horloge du demandeur. Par exemple, si le demandeur envoie sa réponse une semaine après la mise à la poste d’un avis de mesure administrative, une semaine de JAS sera déduite. S’il envoie sa réponse quatre mois plus tard, quatre mois de JAS seront déduits. Le même principe s’applique si une prorogation de délai est demandée ou si le mécanisme de rétablissement est utilisé. Dans tous les cas, le nombre de JAS correspondant sera déduit du délai d’octroi. Par conséquent, un demandeur qui veut bien réfléchir à sa stratégie de réponse peut dormir tranquille : son temps de réflexion aura un effet minime, voire nul sur l’ADB (à moins de fluctuations imprévisibles à l’OPIC). Pour que la durée de la période supplémentaire s’allonge véritablement, il faut que l’OPIC dépasse le délai alloué, calculé selon sa propre horloge.
- Le report de la requête d’examen devrait augmenter la possibilité d’obtention d’une période supplémentaire. Pour modifier le délai dont dispose l’OPIC, le demandeur peut se prévaloir d’une exemption aux JAS. Cette exemption s’applique lorsque le délai de trois ans suivant la requête d’examen prend fin plus de cinq ans après la date de début applicable2 (p. ex., la date d’entrée en phase nationale dans le cas d’une demande PCT). Cette condition est satisfaite dans la majorité des cas où la requête d’examen est présentée plus de deux ans3 après la date de début applicable. Quand l’exemption s’applique, les JAS qui se seraient normalement accumulés avant la date de la requête d’examen en raison de son report ne sont pas comptabilisés. Concrètement, cette exemption raccourcit le délai alloué à l’OPIC, dont l’horloge passe de cinq à trois ans. Les demandeurs qui souhaitent présenter une requête d’examen après environ deux ans gagnent donc à attendre deux ans et un jour après la date de début applicable pour profiter de l’exemption. Cela dit, cette stratégie n’est généralement pas possible dans le cas d’une demande divisionnaire, à moins que celle-ci ait été déposée très peu de temps après la demande de brevet initiale.
- L’essentiel du délai de traitement suivant une RPE ou une troisième mesure administrative n’a aucune pertinence pour l’ADB. L’horloge de l’OPIC s’arrête quand l’examinateur applique une troisième mesure administrative ou quand le demandeur présente une requête pour la poursuite de l’examen (RPE). Dans les deux cas, l’horloge de l’OPIC redémarre lors du paiement de la taxe finale. L’OPIC n’a donc aucun avantage à examiner rapidement la demande (du moins, du point de vue de l’ADB) après une troisième mesure administrative ou une RPE.
- L’OPIC n’avise pas automatiquement les demandeurs de leur admissibilité à l’ADB. Contrairement au USPTO, son pendant états-unien, l’OPIC n’annonce pas aux demandeurs qu’ils ont droit à une période supplémentaire. Ceux-ci doivent présenter une demande et payer une lourde taxe d’environ 2 570 $ CA pour 2026 (les petites entités paient environ 1 030 $ CA), après quoi l’OPIC rend une décision préliminaire, puis accorde une période supplémentaire ou rejette la demande.
- Les délais du processus d’ADB sont courts. Une période supplémentaire peut être accordée si a) la demande a été déposée le 1er décembre 2020 ou après; et b) le brevet a été octroyé (i) après le cinquième anniversaire de la date de début applicable2; ou, s’il est postérieur, (ii) après le troisième anniversaire de la requête d’examen. Autrement dit, les brevets octroyés à compter du 1er décembre 2025 pourraient être admissibles. La demande d’ADB doit être présentée dans les trois mois suivant la date d’octroi. Une fois la décision préliminaire rendue, le demandeur peut présenter des observations dans les deux mois suivants. Si la demande est rejetée ou si la durée de la période supplémentaire a été mal calculée, une révision judiciaire peut être demandée dans les 30 jours.
- Des obligations de déclaration de l’ADB s’appliquent à certains brevets pharmaceutiques et biotechnologiques. Si le brevet est inscrit au Registre des brevets au titre du régime de lien du Canada, le ministre de la Santé doit être informé de la date d’expiration de toute période supplémentaire accordée. Si le brevet concerne un médicament, le titulaire doit également communiquer cette date d’expiration au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB) dans les 30 jours. La compétence sur les prix du CEPMB continue de s’appliquer pendant la période supplémentaire.
Vu les retards qui perdurent à l’OPIC, les demandeurs ont tout intérêt à intégrer l’ADB à leurs stratégies de demande de brevet au Canada, surtout si l’exclusivité du marché s’annonce particulièrement profitable en fin de parcours. Le report de la requête d’examen est une stratégie fréquemment utilisée au Canada pour permettre le développement commercial en parallèle ou la réalisation de l’examen mondial, qui peut ensuite éclairer celui de l’OPIC. En prime, le report de l’examen devrait maximiser la possibilité d’obtention d’une période supplémentaire au Canada en réduisant le délai alloué à l’OPIC.
BLG peut vous aider à déterminer si votre brevet est admissible au régime d’ajustement de la durée.