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Perspectives

La cour supreme du Canada confirme l’amende infligée à une société suite au décès d’un travailleur forestier

Une récente décision de la Cour Suprême du Canada confirme le pouvoir étendu de la Workers’ Compensation Board de la Colombie-Britannique et applique les dispositions de la Workers Compensation Act (la « Loi ») pour promouvoir la santé et la sécurité au travail.

Le contexte

Un abatteur a été frappé mortellement par un arbre en décomposition alors qu’il travaillait dans un secteur pour lequel West Fraser Mills Ltd. (« West Fraser ») détenait un permis d’exploitation forestière. L’abatteur travaillait non pas pour elle, mais pour un entrepreneur indépendant, qui le supervisait et à qui il rendait compte. Aux termes de son permis, toutefois, West Fraser était « propriétaire » du lieu de travail au sens de la Loi. La Workers’ Compensation Board de la Colombie-Britannique (la « Commission ») a mené une enquête sur l’incident et conclu que l’arbre était dangereux et qu’il aurait dû être abattu avant le début des travaux de coupe.

L’article 225 de la Loi confère à la Commission un vaste pouvoir de réglementation en matière de sécurité au travail et dispose qu’elle peut appliquer les règlements qu’elle juge « nécessaires ou souhaitables relativement à la santé et à la sécurité au travail et à l’environnement de travail ». Diverses parties, dont les « propriétaires » et les « employeurs », sont investies de responsabilités précises. En vertu de l’article précité, la Commission a adopté un règlement selon lequel le propriétaire est tenu de s’assurer que les activités d’exploitation forestière soient planifiées et exercées conformément à celui-ci ainsi qu’aux pratiques de travail sécuritaire qu’elle juge acceptables (le « règlement »).

La Commission a estimé que West Fraser, en qualité de propriétaire, ne s’était pas assurée de l’application des pratiques de travail sécuritaires, contrevenant donc au règlement. Elle a également conclu que la société était un employeur au sens de la Loi, même si elle n’était pas celui de l’abatteur. En vertu de la Loi, seul un « employeur » peut se voir infliger une sanction. La Commission a imposé une amende de 75 000 $ à la société.

West Fraser a porté cette décision en appel devant le Workers’ Compensation Appeal Tribunal (le « Tribunal »). Elle a soutenu que la Loi ne permettait pas à la Commission d’adopter le règlement concernant les propriétaires de lieux de travail, de sorte qu’elle ne pouvait conclure à l’inconduite de la société en tant que « propriétaire » pour justifier une amende. West Fraser a également fait valoir que, n’étant pas l’employeur de l’abatteur, rien ne justifiait qu’on lui  impose une amende. Le Tribunal a rejeté ces arguments, mais a réduit le montant de l’amende. La Cour d’appel et la Cour suprême de la Colombie-Britannique ont confirmé la décision.

La décision de la Cour Suprême du Canada

La question dont la Cour suprême du Canada a été saisie était de déterminer si l’adoption du règlement résultait de l’exercice raisonnable du pouvoir de réglementation délégué à la Commission. S’exprimant au nom de la majorité, la juge McLachlin a confirmé la décision du Tribunal et l’amende imposée. Elle a conclu que la Commission avait agi de façon raisonnable en adoptant un règlement pour juguler l’augmentation du nombre de décès dans le secteur forestier. La Commission était libre d’interpréter la législation de manière à favoriser la santé et la sécurité au travail, et ainsi prévenir de futurs accidents.

Pour ce qui était relatif à l’imposition de l’amende, la juge McLaughlin a souligné que l’interprétation du Tribunal tenait compte de la complexité d’assurer la sécurité du lieu de travail. Cette réalité fait intervenir des obligations dont l’exécution incombe à tous les intéressés. Elle a estimé que, même s’il est vrai qu’un employeur s’expose à une sanction administrative dès lors qu’il omet de s’acquitter des obligations qui lui sont dévolues par la Loi, la sanction en cause n’était pas limitée aux circonstances en l’espèce. La Loi met l’accent non pas sur le lien particulier entre l’employeur fautif et la victime, mais bien sur la relation entre l’employeur et le lieu de travail à l’origine de l’accident et du préjudice physique. Dans le cas présent, le Tribunal a conclu qu’un lien existait entre West Fraser et la sécurité du lieu de travail. Par sa décision, la Cour suprême du Canada a confirmé le vaste pouvoir que confère la Loi à la Commission dont celui d’imputer la responsabilité des accidents de travail aux propriétaires.