une main qui tient une guitare

Perspectives

La Stratégie canadienne pour l’hydrogène

La volonté mondiale d’assurer un avenir sobre en carbone suscite l’intérêt pour l’hydrogène et les infrastructures connexes. Élément le plus abondant dans l’univers, l’hydrogène est très prometteur en tant que source d’énergie à faibles émissions de carbone pour une multitude d’applications et de secteurs.

La Stratégie canadienne pour l’hydrogène, dont le déploiement est prévu dans les prochaines semaines, constituera une avancée majeure dans les efforts du Canada en vue d’exploiter les possibilités de cet élément.

Avant le déploiement de la stratégie, il est important de souligner que chaque province a abordé à sa façon le développement de l’industrie de l’hydrogène en fonction de ses ressources, de ses capacités énergétiques et de ses objectifs économiques et environnementaux.

Même si toutes promeuvent désormais ouvertement l’énergie d’hydrogène dans le cadre de leur stratégie de croissance pour les dix prochaines années et partagent un bon nombre d’aspirations et d’objectifs (en matière de rendement), il existe de nettes différences en ce qui concerne l’orientation des marchés.

Colombie-Britannique : l’hydrogène dans les transports

La province de la Colombie-Britannique favorise le développement du secteur de l’hydrogène depuis la publication de sa politique CleanBC, en 2018, et d’une étude approfondie sur l’hydrogène, plus récente, où l’accent est nettement mis sur les carburants de transport :

Norme BC-LCFS : Le développement du secteur de l’hydrogène s’inscrit dans le contexte de l’adoption par la Colombie-Britannique de sa norme sur les carburants à faible teneur en carbone (BC-LCFS), premier et unique régime visant à réduire l’intensité en carbone sur le cycle de vie des combustibles et modèle privilégié pendant longtemps de la Norme sur les combustibles propres fédérale.

VZE : La Colombie-Britannique a avancé la date d’application intégrale des exigences relatives aux véhicules zéro émission, soit d’ici vingt ans et préconise que l’hydrogène devienne le carburant de remplacement privilégié par défaut dans le cadre du programme. (Le gouvernement fédéral a offert des incitatifs pour les VZE et a récemment publié la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui s’appliquerait théoriquement aux véhicules.)

Piles à combustible : La Colombie-Britannique est le « berceau » autoproclamé de la technologie des piles à combustible; c’est d’ailleurs dans cette province que s’est ouverte la première station de ravitaillement en hydrogène au Canada au détail, et d’autres devraient bientôt voir le jour. La Colombie-Britannique a également engagé des fonds dans le partenariat Hydrogen BC créé par la BC Hydrogen Fuel Cell Association. Conscient qu’il a perdu du terrain par rapport aux avancées réalisées ailleurs dans le monde, le gouvernement britanno-colombien veut à tout prix favoriser l’essor du secteur des piles à combustible sur son territoire, notamment la production à des fins commerciales comme cela se fait en Californie, en Corée du Sud et au Japon.

La stratégie provinciale sur l’hydrogène, dont l’adoption est prévue cette année, témoignera certainement de l’importance que la Colombie-Britannique accorde aux applications relatives aux carburants utilisés pour le transport.

Ontario : la transformation de l’électricité en gaz

Espérant devenir l’un des dix premiers centres de déploiement de l’hydrogène en Amérique du Nord, l’Ontario vient de publier un Document de travail sur l’économie de l’hydrogène dans la province (l’« Économie de l’hydrogène »).

On pourrait dire que la pierre angulaire de l’Économie de l’hydrogène est la conversion de l’électricité en gaz, processus qui prend le contrepied du modèle conventionnel de la transformation du gaz naturel en électricité. Grâce à l’électrolyse classique, l’hydrogène peut être séparé de l’oxygène; un examen plus approfondi des incidences économiques sera toutefois nécessaire.

En faisant la promotion de l’électrolyse, l’Économie de l’hydrogène permettra probablement certaines formes d’intervention sur le marché pour rentabiliser l’hydrogène obtenu grâce à l’électrolyse :

Électricité à prix réduit : Le gouvernement pourrait vendre à un prix réduit l’énergie excédentaire ou produite en dehors des heures de pointe aux générateurs.

Stockage : La province favorisera probablement l’électrolyse pour stocker l’énergie et la conversion en hydrogène des sources d’énergie à faible teneur en carbone pour prévenir et compenser les périodes de pointe et de demande excédentaire. Il se peut aussi que la province s’emploie à faciliter la modification des règlements municipaux concernant le stockage et le déploiement de l’hydrogène dans le cadre de l’Économie de l’hydrogène.

Supplément à l’approvisionnement en gaz naturel : L’Économie de l’hydrogène fait spécifiquement mention de la récente installation de démonstration à l’échelle commerciale de Markham Hydro. Cette installation de 2,5 mégawatts permet de convertir en hydrogène l’électricité à faible teneur en carbone produite par le réseau électrique provincial. À terme, le but est de l’intégrer au réseau de distribution de gaz naturel. Cette installation à des fins commerciales est présentée comme une première du genre en Amérique du Nord et un modèle pour la transformation de l’électricité en hydrogène en Ontario.

Résilience : L’hydrogène est perçu comme une réponse aux préoccupations de longue date de l’Ontario concernant la résilience énergétique en cas de perturbations ou de changements sur le marché qui pourraient nuire à l’approvisionnement de la province. La transformation de l’électricité en gaz s’inscrit dans le cadre de cette stratégie de résilience.

Alberta : l’hydrogène en tant que gaz naturel bleu

À l’instar de l’Ontario, l’Alberta a publié récemment le document Natural Gas Vision and Strategy ((la « Vision »), dans lequel elle énonce sa stratégie en matière d’hydrogène dans le but de dynamiser son économie. La province étant déjà un important producteur d’hydrogène destiné à des applications industrielles, sa stratégie vise à tirer parti de ses avantages naturels sur le marché :

Captage, utilisation et stockage du carbone : La vaste expérience de la province en matière de captage, d’utilisation et de stockage du carbone peut lui permettre de produire des quantités considérables d’hydrogène « bleu » grâce à la séquestration du carbone résultant de la production d’hydrogène à partir du gaz naturel. En raison du savoir-faire de l’Alberta en la matière et de la demande accrue de carburants à faible teneur en carbone, l’économie de l’hydrogène arrive peut-être à point nommé en Alberta.

Exportations : La production provinciale de gaz naturel a souffert de l’effet dévastateur conjugué d’une baisse des prix du gaz et d’une hausse des coûts de distribution. L’exportation potentielle d’un carburant de grande valeur comme l’hydrogène (liquéfié ou sous forme de gaz) semble pouvoir régler les deux problèmes à la fois; c’est pourquoi la Vision prévoit que les réseaux de distribution d’hydrogène se développeront pour desservir de nouveaux marchés d’exportation.

Diversification : La Vision contient un appel à l’action invitant la province à élargir son offre de gaz naturel afin de se prémunir contre les effets négatifs sur son secteur pétrolier. L’hydrogène bleu constitue l’un de ses produits issus de la diversification.

Réduction des émissions : Enfin, il convient de noter que la Vision présente expressément le développement du secteur de l’hydrogène dans la province comme un facteur déterminant de la capacité globale du Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre aux termes de l’Accord de Paris. On peut facilement imaginer que la production d’hydrogène donnera lieu à des crédits de réduction d’émissions par rapport à la production d’énergie classique.

Même si l’intérêt pour l’hydrogène n’est pas nouveau en Alberta, un soutien ciblé dans le cadre de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène pourrait enfin rendre viable dans la province le développement de l’hydrogène bleu en tant que carburant destiné à un usage provincial et à l’exportation.

Québec : une production d’hydrogène décentralisée

Au Québec, la stratégie provinciale en matière d’hydrogène s’articule autour d’Hydro-Québec qui, en tant que société à intégration verticale, a la capacité de produire de l’énergie renouvelable et dispose des droits de distribution lui permettant de répondre à la demande provinciale et d’approvisionner plusieurs autres marchés canadiens et américains. Paradoxalement, ce sont peut-être les réseaux centralisés de production et de distribution de la société d’État qui permettront de produire de l’hydrogène à l’échelle locale de manière rentable :

Production décentralisée d’hydrogène : Contrairement aux installations de production par électrolyse à grande échelle prévues ailleurs au Canada, comme le projet d’électrolyseur de la région de Peace en Colombie-Britannique ou les plans d’infrastructure massifs en Alberta, le Québec envisage la production d’hydrogène comme une activité essentiellement décentralisée, facilitée par les solides réseaux de distribution d’électricité d’Hydro-Québec.

Croissance stimulée par le secteur privé : Bien que les plans définitifs de la province et d’Hydro-Québec ne soient pas encore arrêtés, il semblerait que de l’électricité à prix très réduit pourrait être offerte aux producteurs du secteur privé aux points de production d’hydrogène proposés dans la province, ce qui aurait pour effet d’écarter à la fois la province et Hydro-Québec du marché de l’hydrogène.

Hydrogène vert au coût le plus bas : En évitant des dépenses d’infrastructure substantielles (à ce stade initial) et en s’appuyant à la fois sur son réseau de distribution et sur l’électricité à coût réduit (d’origine hydroélectrique), le Québec pourrait être bien placé pour tirer des profits réalisables à court terme sur les marchés de l’hydrogène, notamment celui des technologies des piles à combustible, avant que les autres provinces et États ne puissent mettre sur pied l’infrastructure leur permettant de lui faire concurrence.

Bref, même si les objectifs du Québec en matière d’hydrogène peuvent sembler similaires à ceux des autres provinces, la province offre des débouchés uniques dont la Stratégie canadienne pour l’hydrogène doit tenir compte.

Les groupes Énergie – Électricité et Énergie – Pétrole et gaz de BLG suivent de près la position du Canada dans l’économie émergente de l’hydrogène, notamment la Stratégie canadienne, et ont relevé les possibilités et les défis liés à l’importance de la spécificité régionale, à une approche globale du rôle de l’hydrogène dans les changements climatiques et aux débouchés intersectoriels.

Nous nous ferons un plaisir de vous donner plus d’information sur n’importe lequel de ces sujets.

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