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Perspectives

Le gouvernement du Canada publie un document de consultation pour renforcer la règle générale anti-évitement

Le 9 août 2022, le ministère des Finances du Canada a publié son document de consultation très attendu sur la règle générale anti-évitement (RGAE). Décrit comme « un diagnostic ciblé et pratique sur la RGAE », le document fait suite à l’engagement pris dans l’Énoncé économique de l’automne 2020 d’améliorer l’équité fiscale en consultant les Canadiens et les Canadiennes sur les manières de renforcer la RGAE.

Incidence budgétaire de la RGAE

L’incidence budgétaire de la RGAE est considérable. Au cours des exercices 2016 à 2021, 4,1 G$ d’« impôt généré par la vérification »1 ont été cotisés au moyen de la RGAE. Reconnaissant que « l’effet potentiellement perturbateur de tout changement à la RGAE doit être pris en compte dans l’analyse des options présentées [dans le document de consultation] », le ministère des Finances accepte les observations écrites sur le bien-fondé relatif des approches proposées jusqu’au 30 septembre 2022.

La RGAE « agit comme une limite légale à la certitude fiscale en interdisant les opérations d’évitement fiscal abusives »2. Si le ministre du Revenu National peut établir l’existence d’un évitement fiscal abusif, la RGAE permet de refuser un avantage fiscal, même lorsque les arrangements fiscaux sont conformes à une interprétation littérale des dispositions pertinentes. Il y a évitement fiscal abusif quand :

  1. il existe un avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une série d’opérations;
  2. au moins une de ces opérations constitue une opération d’évitement, c’est-à-dire une opération qu’on ne peut raisonnablement considérer comme étant organisée principalement dans un but véritable autre que celui d’obtenir l’avantage fiscal; et
  3. l’opération est abusive et contrecarre l’objet et l’esprit des dispositions invoquées.

Document de consultation

Le document de consultation présente plusieurs options importantes.

Le gouvernement y exprime son intention d’ajouter une règle de substance économique explicite à la RGAE. De plus, il expose différentes façons de vérifier si une opération manque de substance économique et, le cas échéant, diverses autres conséquences qui pourraient raisonnablement s’ensuivre.

Le gouvernement envisage également d’instaurer une pénalité fondée sur un pourcentage de l’avantage fiscal, d’accroître le taux d’intérêt sur les impôts contestés en vertu d’une cotisation liée à la RGAE et de prolonger la période de nouvelle cotisation pour les cotisations liées à la RGAE.

En ce qui concerne le test de l’opération d’évitement, souvent considéré comme « une fonction de contrôle importante pour l’analyse de la RGAE »3, le gouvernement examine la possibilité de fournir une règle d’interprétation pour préciser ce qui n’est pas un objet « véritable » et cherche à déterminer s’il est approprié de considérer certains objets, tels que l’évitement fiscal étranger, comme des objets véritables autres que des objets fiscaux. Il est également envisagé d’abaisser le seuil « principalement » du test d’objet, le faisant passer à un test de « l’un des principaux objets », ou même à un test de l’« un des objets », d’un « objet important » ou d’un « objet non accessoire ».

En ce qui a trait au critère d’abus, le ministère des Finances propose notamment de mettre davantage l’accent sur la partie « abus dans l’application de la Loi lue dans son ensemble » de la législation existante et d’inclure des règles d’interprétation pour évaluer la certitude, la prévisibilité et l’équité (p. ex., règles définissant une notion plus large d’équité et prévoyant que la RGAE s’applique à la planification fiscale prévue et imprévue). En outre, le ministère des Finances examine la possibilité de modifier le fardeau établi par voie judiciaire en ce qui concerne le critère d’abus de sorte qu’il appartiendrait au contribuable de démontrer, dans certaines circonstances, que ses actes ne constituent pas un abus des dispositions. 

L’application de la RGAE aux abus de conventions fiscales n’a pas été abordée, mais le gouvernement a l’intention d’en annoncer plus sur ses plans visant à freiner ces abus. Les contribuables étrangers qui possèdent des filiales ou des placements au Canada devraient surveiller attentivement l’évolution de la situation.

Pour obtenir de l’aide ou des conseils sur la façon d’envoyer vos observations écrites au ministère des Finances, n’hésitez pas à communiquer avec Natalie Goulard, associée spécialisée en litiges fiscaux au bureau de BLG à Montréal.


1 L’« impôt généré par la vérification » (IGV) exclut les impôts provinciaux, les pénalités et intérêts fédéraux, l’impact des recours en appels et les montants non recouvrés.

2 Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49, paragraphe 2.

3 Le document de consultation indique que dans environ 29 % des cas depuis l’affaire Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, où la RGAE a été jugée non applicable, c’était parce que le critère de l’opération d’évitement n’avait pas été rempli. La Couronne a obtenu gain de cause devant les tribunaux dans un nombre important d’affaires concernant la RGAE.

  • Par : Natalie Goulard

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