Le 14 mai 2025, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié la Décision générale coordonnée 45-935 relative à la dispense de certaines conditions de la dispense pour financement de l’émetteur coté (la « Décision générale »), qui soustrait de certaines obligations les émetteurs se prévalant de la dispense pour financement de l’émetteur coté (la « dispense », définie ci-dessous). Entre autres choses, la Décision générale augmente considérablement le montant que les émetteurs peuvent recueillir aux termes de la dispense prévue à la partie 5A du Règlement 45-106 – Dispenses de prospectus (le Règlement 45-106).
Ce qu’il faut savoir
- La Décision générale ne crée pas une nouvelle dispense de prospectus; elle soustrait les émetteurs de certaines conditions de la dispense et fixe à la place d’autres exigences à respecter.
- Sous réserve de certaines conditions, les émetteurs admissibles peuvent désormais recueillir sans prospectus le montant le plus élevé entre i) 25 millions de dollars et ii) 20 % de la valeur de marché globale de leurs titres inscrits, à concurrence de 50 millions de dollars au cours d’une période de 12 mois, ce qui accroît l’accès aux capitaux tout en réduisant le fardeau administratif et les coûts.
- Les émetteurs peuvent continuer à utiliser la dispense seule ou s’appuyer sur la Décision générale pour profiter du relèvement des limites de collecte de capitaux; ceux qui s’appuieront sur la Décision générale ne pourront cependant pas placer leurs titres auprès de n’importe quel type d’investisseur, comme il est expliqué plus loin.
- La Décision générale fait suite à d’autres décisions d’allégement que les ACVM ont publiées au cours du dernier mois pour renforcer la compétitivité des marchés financiers canadiens.
- La Décision générale pourrait raviver l’intérêt pour la dispense et offrir un précieux outil de mobilisation de capitaux aux petits et moyens émetteurs.
Mise en contexte
Introduite en 2022 aux termes de modifications au Règlement 45-106, la dispense offre aux émetteurs un moyen efficient et économique de recueillir des capitaux, en leur permettant de placer des titres librement négociables auprès de tout type d’investisseur, dont le public, sans préparer de prospectus, pourvu qu’ils déposent les documents d’information continue exigés et qu’ils présentent un document d’offre simplifié, lequel ne nécessite pas d’approbation ni de confirmation de réception d’une autorité de réglementation des valeurs mobilières.
La Décision générale fait suite à l’annonce par les ACVM, le mois dernier, d’autres mesures destinées i) à alléger le fardeau financier et administratif lié à l’inscription en bourse au Canada, ii) à offrir une souplesse accrue, en matière de collecte de capitaux, aux émetteurs qui ont récemment réalisé un premier appel public à l’épargne, et iii) à faciliter la mobilisation de capitaux sur le marché dispensé.
La Décision générale
La Décision générale soustrait les émetteurs de certaines conditions de la dispense en fixant à la place d’autres exigences à respecter.
Relèvement des limites applicables à la collecte de capitaux
Telle qu’elle est prévue au Règlement, la dispense autorise les émetteurs à recueillir le montant le plus élevé entre 5 millions de dollars et 10 % de la valeur de marché globale de leurs titres inscrits, à concurrence de 10 millions de dollars au cours d’une période de 12 mois.
Conformément à la Décision générale, les émetteurs peuvent désormais recueillir le montant le plus élevé entre :
- 25 millions de dollars et
- 20 % de la valeur de marché globale de leurs titres inscrits, à concurrence de 50 millions de dollars au cours d’une période de 12 mois, sous réserve de certaines conditions, notamment que le placement ne donne pas lieu à une augmentation de plus de 50 % des titres de capitaux propres de l’émetteur inscrits à la cote qui sont en circulation au cours de la période de 12 mois visée.
Nouvelle méthode de calcul du seuil de dilution
La Décision générale assouplit aussi le calcul du seuil de dilution. Alors que la dispense exige que la conversion de tous les bons de souscription soit prise en compte dans le calcul du seuil de dilution de 50 %, en vertu de la Décision générale, seuls sont pris en compte les bons de souscription qui sont convertibles en titres de capitaux propres de l’émetteur dans les 60 jours suivant la clôture du placement.
La Décision générale modifie aussi les périodes servant au calcul du seuil de dilution :
- si l’émetteur n’a pas clos de placement antérieur aux termes de la dispense au cours des 12 derniers mois, les titres pouvant être émis aux termes du placement ne doivent pas donner lieu à une augmentation de plus de 50 % de ses titres de capitaux propres inscrits à la cote qui sont en circulation à la date du communiqué annonçant le placement;
- si l’émetteur a clos un ou plusieurs placements antérieurs aux termes de la dispense au cours des 12 derniers mois, les titres pouvant être émis aux termes du placement, combinés à tous les autres placements antérieurs au cours de cette période, ne doivent pas donner lieu à une augmentation de plus de 50 % de ses titres de capitaux propres inscrits à la cote qui sont en circulation à la date du communiqué annonçant le premier des placements antérieurs de l’émetteur coté effectués pendant cette période.
Nouvelles restrictions imposées aux investisseurs
Fait important, pour pouvoir s’appuyer sur la Décision générale, un placement ne doit pas avoir pour effet d’ajouter une nouvelle personne participant au contrôle ni donner lieu à l’acquisition par une personne de la propriété véritable d’un nombre de titres suffisant pour élire la majorité des administrateurs de l’émetteur.
Prochaines étapes
La Décision générale entre en vigueur le 15 mai 2025 et, dans certains territoires, elle expirera conformément aux dispositions relatives à la durée maximale d’une décision générale qui y sont en vigueur, sauf si elle est prolongée. En Ontario, elle expirera le 15 novembre 2026.
Comme nous l’écrivions précédemment, la dispense pour financement de l’émetteur coté avait le potentiel de réduire le fardeau financier de la mobilisation de capitaux pour les petits émetteurs, en leur permettant de faire appel aux investisseurs individuels et d’émettre des titres librement négociables sans devoir déposer de prospectus. Plus d’un milliard de dollars ont été recueillis par des émetteurs ayant demandé la dispense depuis son entrée en vigueur en 2022. Des participants au marché faisaient toutefois valoir que le véritable potentiel de la dispense restait inexploité en raison du plafonnement des montants qui pouvaient être mobilisés au cours d’une période de 12 mois. Nous pensons que la Décision générale ravivera l’intérêt pour la dispense et qu’elle pourrait susciter une vague de mobilisation de capitaux malgré les vents contraires et la volatilité qui secouent actuellement les marchés financiers canadiens.