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Perspectives

Charte de la langue française : changements relatifs aux marques de commerce au Québec

L’organe législatif du Québec a récemment adopté le projet de loi 96, qui propose la modification de plusieurs dispositions de la Charte de la langue française (la « Charte »). Le présent article résume quelques-uns des principaux changements applicables à l’utilisation des marques de commerce dans une langue autre que le français, notamment pour ce qui touche leur enregistrement, les inscriptions sur les produits et l’affichage public. Ces nouvelles exigences entreront en vigueur le 1er juin 2025.

Enregistrement des marques de commerce

Les marques de commerce exclusivement dans une langue autre que le français devront être enregistrées auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (« OPIC ») afin de bénéficier de l'exception prévue par la Charte.

Les marques de commerce qui ne sont pas enregistrées ou dont la demande d’enregistrement est en cours de traitement ne pourront donc se prévaloir de cette exception. En vertu des nouvelles exigences, il n’existera en effet plus d’exceptions pour les marques de commerce qui ne sont pas enregistrées auprès de l’OPIC; il ne sera plus suffisant qu’une marque de commerce soit « reconnue » au de la Loi sur les marques de commerce.

En fait, une marque de commerce dans une langue autre que le français ne pourra apparaître sur des produits, sans une version française, qu’à condition :

  • qu’elle soit enregistrée au sens de la Loi sur les marques de commerce;
  • qu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre des marques de commerce.

Sinon, la marque devra être accompagnée d’une version française. En outre, aucune inscription dans une autre langue ne devra l’emporter sur celle qui est rédigée en français ou être accessible dans des conditions plus favorables que cette dernière.

Si ce changement vous touche, nous vous suggérons de dresser une liste de vos marques de commerce non enregistrées dans une langue autre que le français et d’envisager d’entreprendre des démarches pour les faire enregistrer ou de commencer à les utiliser avec une version française. Il est important de soumettre vos demandes d’enregistrement le plus rapidement possible auprès de l’OPIC puisque le processus peut prendre jusqu’à 36 mois.

Termes génériques ou descriptifs

Le nouvel article 51.1 de la Charte stipule que lorsqu’une marque de commerce enregistrée contient des termes génériques ou descriptifs dans une langue autre que le français, ceux-ci doivent être traduits en français.

Il sera donc interdit d’apposer sur un produit des termes génériques ou descriptifs dans une langue autre que le français sans les traduire. Ainsi, même si une marque est enregistrée auprès de l’OPIC, il deviendra obligatoire de traduire tout terme générique ou descriptif qu’elle contient. On semble toutefois laisser une certaine marge de manœuvre aux entreprises quant à la manière dont elles doivent fournir la version française, puisqu’on exige seulement qu’elle apparaisse sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.

L’article 51.1 ne mentionne pas si les termes génériques ou descriptifs dans une langue autre que le français doivent l’emporter sur leur version française; nous demeurons à l’affût de toute précision du gouvernement à ce sujet.

Nous recommandons aux entreprises qui s’appuient sur l’exception telle que la prévoyait la Charte de passer en revue leurs marques de commerce (enregistrées ou en cours d’enregistrement) qui contiennent des termes génériques ou descriptifs et d’évaluer ce qui devra être traduit.

Affichage public et publicité commerciale

Le projet de loi 96 introduit également l’article 58.1, qui se rapporte à l’affichage public et à la publicité commerciale. Une marque de commerce dans une langue autre que le français ne pourra dorénavant apparaître dans l’affichage public et la publicité commerciale, sans version française, que dans le cas où :

  • elle est enregistrée au sens de la Loi sur les marques de commerce;
  • aucune version correspondante en français ne se trouve au registre des marques de commerce.

Si elle ne répond pas à ces deux conditions, la marque de commerce devra être accompagnée d’une version française, de façon à ce que le français y figure de façon nettement prédominante.

Affichage public visible depuis l’extérieur

Qui plus est, des règles particulières s’appliqueront à l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, soit tout « espace, fermé ou non, dédié à une activité », ainsi qu’à tout affichage à l’intérieur dont l’emplacement et les caractéristiques feront en sorte qu’il sera visible de l’extérieur. Dans les deux cas, même si la marque de commerce en question a été enregistrée, le français doit y apparaître de façon « nettement prédominante » (ce qui modifie l’exigence antérieure qui indiquait seulement qu’il devait y avoir une « présence suffisante du français »). Cette nouvelle obligation touche les marques enregistrées qui existent exclusivement dans une langue autre que le français ainsi que les noms d’entreprise qui comprennent une expression tirée d’une autre langue que le français.

Le Règlement précisant la portée de l'expression « de façon nettement prédominante » pour l'application de la Charte de la langue française, présentement en vigueur, soutient que le français figure de façon « nettement prédominante » lorsque « le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans l’autre langue. »

Si l’affichage public visible depuis l’extérieur de votre établissement est dans une langue autre que le français, vous aurez probablement à le modifier. Il serait toutefois judicieux d’attendre de voir si le gouvernement donnera de nouvelles consignes ou davantage de précisions avant d’aller de l’avant. Il pourrait par exemple fournir plus de détails sur l’emplacement du texte en français et l’éclairage de l’affichage public.

Sanctions

L’Office québécois de la langue française (« OQLF ») est l’institution chargée de voir à l’application de la Charte et de ses règlements. Le projet de loi 96 lui procurera le nouveau pouvoir de remettre à des contrevenants qui distribuent ou vendent des produits à l’étiquetage non conforme des ordonnances les obligeant à respecter les exigences de la Charte et de ses règlements ou à cesser d’y contrevenir. Pourront aussi s’ajouter d’autres pénalités, notamment les suivantes :

i. Sanctions civiles

Les tribunaux pourront, à la demande de l’OQLF, ordonner le retrait ou la destruction de tout affichage (les affiches, les annonces, les panneaux-réclame et les enseignes lumineuses) qui contrevient à la Charte, et ce, aux frais du contrevenant.

ii. Sanctions administratives

Le ministre de la Langue française pourra suspendre ou révoquer tout permis ou toute autorisation contrevenant à la Charte. Autrement dit, il aura préséance sur les autres autorités québécoises dans ce contexte.

iii. Sanctions pénales

Les amendes en cas de violation de la Charte se situeront maintenant entre 700 $ et 7 000 $ pour les particuliers et entre 3 000 $ et 30 000 $ dans les autres cas. Ces montants seront doublés dans le cas d’une première récidive et triplés pour les récidives subséquentes. Des amendes supplémentaires s’appliqueront pour chaque journée où l’infraction se poursuit. En outre, les dirigeants et administrateurs de sociétés verront leurs amendes doublées par rapport au montant visant les particuliers.

Un contrevenant, en plus de toute autre peine, pourrait également se voir imposer par un juge une amende additionnelle d’un montant maximal équivalant à celui de l’avantage pécuniaire qu’il a tiré de l’infraction, et ce, même si l’amende maximale lui a été imposée.

Conclusion

Les nouvelles exigences changeront considérablement la manière dont les entreprises gèrent leur présence au Québec. Afin de leur donner le temps de s’adapter, le gouvernement a fixé l’entrée en vigueur de ces dispositions du projet de loi 96 au 1er juin 2025, soit dans trois ans.

Malgré ce délai, il est important que vous commenciez à vous préparer et à passer en revue vos marques de commerce, de même que les termes génériques et descriptifs qui se trouvent sur vos produits et votre affichage public visible depuis l’extérieur. Cela vous permettra d’assurer la continuité de vos activités commerciales au Québec et d’être en mesure de vous ajuster rapidement aux directives du gouvernement.

Pour toute question sur la Charte ou le projet de loi 96, n’hésitez pas à contacter notre équipe de spécialistes ou l’une des personnes-ressources dont le nom figure ci-après. Nous sommes déterminés à fournir à nos clients les nouvelles les plus récentes concernant le projet de loi 96 afin de les aider à élaborer leur stratégie et à bien comprendre toutes les exigences qui leur incombent.

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