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Perspectives

Le projet de loi 96 : Nouvelles obligations en matière de langue du travail, des affaires, des contrats et bien plus

(Mis à jour le 9 juin 2022)

Le projet de loi 96 a-t-il été adopté?

À l’issue de vives discussions, le projet de loi 96 a finalement été adopté par le législateur québécois le 24 mai 2022. Malgré l’opposition qu’il a rencontrée, le gouvernement du Québec a fait adopter le projet de loi 96, ouvrant la voie à d’importantes modifications à la Charte de la langue française du Québec (la « Charte ») et à d’autres lois québécoises, notamment le Code civil du Québec et la Loi sur la protection du consommateur.

Le projet de loi a ensuite été sanctionné le 1er juin 2022.

Quelle sera l’incidence du projet de loi 96?

Le projet de loi 96 impose, entre autres, de nouvelles obligations en matière de langue du travail, du commerce et des affaires, des contrats, de l’affichage, des communications entre le gouvernement et les entreprises, des établissements d’enseignement et des tribunaux.

Nous avons résumé certaines des principales modifications législatives proposées dans nos derniers bulletins portant sur le projet de loi 96 qui datent de mai 2021 : Cours 101 : notre revue du projet de loi 96 sur la langue française et Le projet de loi 96 : Qu’en est-il pour le secteur du travail?

Soulignons que chaque article du projet de loi 96 a été étudié en commission et que de nombreuses dispositions ont été modifiées depuis son introduction. Certains changements ont même été apportés tout récemment, à la suite de l’analyse de la commission.  Bien que les modifications aient répondu à certains des problèmes et des préoccupations soulevés lors des consultations publiques, plusieurs questions demeurent en suspens. Nous continuons à espérer qu’au moins certaines d’entre elles donneront lieu à d’autres changements aux règlements adoptés en vertu de la Charte.

Voici quelques-unes des principales modifications apportées à la Charte en ce qui a trait aux entreprises. Notons que la liste n’est pas exhaustive; elle ne comprend pas, par exemple, celles qui touchent les établissements d’enseignement ou les tribunaux. 

Travail

  • Les entreprises québécoises comptant de 25 à 49 employés seront dorénavant assujetties aux mêmes règles que celles de 50 à 99 employés en matière de francisation, et devront ainsi généraliser l’utilisation du français à tous les niveaux de leur entreprise.
  • Dorénavant, les entreprises employant entre 25 et 100 personnes devront aussi instituer un comité de francisation si l’Office québécois de la langue française le leur ordonne.
  • Également, l’Office pourra imposer aux entreprises qui emploient au moins 5 personnes des services d’apprentissage du français.
  • Les employeurs devront se conformer à de nouvelles règles concernant la rédaction de la documentation d’emploi et des offres d’emploi de même qu’aux obligations relatives à la connaissance d’une autre langue que le français par un employé ou un candidat.

Affaires

Administration et organismes publics

  • Tous les contrats publics (conclus par l’Administration) devront être rédigés exclusivement en français. Dans certains cas, une version rédigée dans une autre langue pourra être jointe à la version française (notamment, dans certaines ententes liées aux affaires autochtones, ententes intergouvernementales ou internationales, etc.). Des contrats publics pourront être rédigés exclusivement dans une langue autre que le français dans des circonstances prescrites et limitées.
  • De plus, toute communication entre une entreprise et l’Administration relativement à un permis, une subvention ou une autre autorisation ou aide financière de même nature devra dorénavant se faire exclusivement en français, à quelques exceptions près.
  • Toute entreprise offrant à l’Administration des services destinés au public sera également assujettie aux dispositions de la Charte qui s’appliqueraient si l’Administration offrait ces mêmes services au public.

Commerce et affaires

  • Le projet de loi 96 renforce l’obligation des entreprises offrant des biens et services aux consommateurs de respecter leur droit d’être servis en français. Les entreprises qui, elles, offrent des biens et services à un public autre que des consommateurs devront l’informer et le servir en français par défaut.
  • Les entreprises qui concluent des contrats d’adhésion avec leurs clients et fournisseurs (plutôt que des contrats d’entente mutuelle négociés entre les parties) devront s’assurer de remettre à ces personnes la version française des documents avant qu’elles ne demandent à les signer dans une autre langue. Cette exigence s’applique également à tout document connexe à ces contrats, mais ne vise pas les contrats avec des personnes à l’extérieur du Québec, entre autres exceptions.
  • En ce qui concerne les transactions immobilières, les ententes mutuelles de vente ou d’échange à l’égard d’une partie ou de l’ensemble d’un immeuble résidentiel de moins de cinq logements ainsi que certains documents liés à la vente de biens immobiliers devront être rédigés en français, sauf si les parties demandent expressément à obtenir ces documents dans une autre langue.

Affichage public, publicité et produits

  • Pour ce qui touche l’affichage public et la publicité commerciale, il sera toujours permis d’utiliser une marque de commerce dans une autre langue que le français lorsque celle-ci n’est pas enregistrée en français au Canada et qu’on y ajoute une description ou un slogan générique en français. En l’absence de ces ajouts, la marque de commerce devra être accompagnée d’une traduction française nettement prédominante.
  • De plus, le texte en français devra figurer de façon nettement prédominante sur tout affichage à l’extérieur dans les cas où le nom d’une entreprise contient une langue autre que le français.
  • Les inscriptions sur les produits devront aussi être rédigées en français. Le texte français pourra être assorti d’une traduction, mais aucune inscription rédigée dans une autre langue ne devra l’emporter sur celle qui est rédigée en français ou être plus accessible que cette dernière. Malgré ce qui précède, une marque de commerce enregistrée peut apparaître sur un produit dans une autre langue que le français lorsqu’aucune version française n’a été enregistrée en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Toutefois, si une marque de commerce comprend un terme générique ou une description du produit, ces éléments devront apparaître en français sur le produit ou y être attachés de manière permanente par un moyen quelconque.

Pénalités

Sanctions civiles

  • Un contrat, une décision ou tout autre document officiel contenant une disposition contraire à celles de la Charte pourra être invalidé à la demande d’une personne ayant subi un préjudice. Une telle personne pourra également demander à ce que ses obligations légales soient réduites. La nullité sera considérée comme absolue, même sans préjudice, si un organisme de l’Administration est partie au contrat.
  • Les tribunaux pourront prendre les dispositions qu’ils jugent appropriées lorsqu’ils reçoivent une demande de sanction.
  • Dans le cas d’un contrat d’adhésion ou d’un contrat de consommation, toute clause qui n’est pas rédigée en français sera réputée incompréhensible (présomption irréfragable), à moins que la partie adhérente ait explicitement demandé à ce que le contrat soit rédigé dans une autre langue (sous réserve des restrictions applicables).

Sanctions administratives

  • Le ministre responsable de la Langue française pourra suspendre ou révoquer tout permis ou toute autorisation contrevenant à la Charte. Autrement dit, il aura préséance sur les autres autorités québécoises dans ce contexte.

Sanctions pénales

  • Les amendes en cas de violation de la Charte se situent maintenant entre 700 $ et 7 000 $ pour les particuliers et entre 3 000 $ et 30 000 $ pour les entreprises et autres entités. Ces montants sont doublés dans le cas d’une première récidive et triplés pour les récidives subséquentes. Des amendes supplémentaires s’appliqueront pour chaque journée où l’infraction se poursuit. En outre, les dirigeants et administrateurs de sociétés verront leurs amendes doublées par rapport au montant visant les particuliers.

Quand le projet de loi 96 entrera-t-il en vigueur?

Certaines des modifications proposées dans le projet de loi 96 sont entrées en vigueur au moment de sa sanction, soit le 1er juin 2022, tandis que d’autres ne prendront effet que plus tard. Par exemple, les modifications qui étendent les règles de francisation aux entreprises comptant de 25 à 49 employés au Québec commenceront à s’appliquer trois ans après l’adoption du projet de loi. Il est donc important de vous renseigner sur votre situation afin d’évaluer les mesures précises qu’il vous faudra prendre pour vous conformer aux nouvelles dispositions de la Charte dans les délais appropriés.

Surveillez nos prochains bulletins, qui traiteront plus en profondeur des incidences du projet de loi 96. Dans l’intervalle, veuillez communiquer avec un.e membre de l’équipe BLG pour de plus amples renseignements.

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