une main qui tient une guitare

Perspectives

Publication de lignes directrices sur la préparation d’un rapport sur l’esclavage moderne au Canada

Des lignes directrices très attendues (les « lignes directrices ») ont été publiées par Sécurité publique Canada concernant laLoi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement (la « Loi »), anciennement appelée le projet de loi S-211, afin de fournir aux entreprises exerçant des activités au Canada des éclaircissements sur leurs obligations en matière de rapport en 2024.

Points à retenir

  • Les entités assujetties à des obligations de faire rapport en vertu de la Loi doivent remplir un questionnaire en ligne qui comprend une série de questions ouvertes et fermées sur les exigences législatives à respecter (le « questionnaire »). Elles doivent également produire un rapport comprenant divers renseignements exigés par la Loi (le « rapport »).
  • Ce rapport ne doit pas dépasser 10 pages, ou 20 pages s’il est présenté en anglais et en français; il doit en outre être soumis au ministère sous forme d’un fichier PDF dont la taille ne dépasse pas 100 Mo. À noter qu’il est recommandé de soumettre son rapport dans les deux langues.
  • Les lignes directrices abordent d’importantes questions liées à l’interprétation de la Loi, expliquant notamment ce que signifie avoir un lieu d’activité ou une présence commerciale au Canada, comment calculer les seuils financiers, et ce qu’on entend par les termes production, vente, distribution et importation de marchandises.

Entités qui doivent remplir un questionnaire

Comme nous l’avons expliqué dans un article précédent, la Loi impose de nouvelles obligations en matière de rapport aux personnes morales, fiducies, société de personnes et autres organisations non constituées en personne morale considérées comme des « entités » au sens de la Loi et qui s’adonnent à la production, à la vente, à la distribution ou à l’importation de marchandises au Canada. La Loi est claire : les entités visées doivent, à la date limite du 31 mai de chaque année ou avant, soumettre un rapport à Sécurité publique Canada indiquant entre autres les mesures mises en place au cours de l’exercice financier précédent pour prévenir et atténuer le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre des étapes de la production de leurs marchandises, au Canada ou ailleurs, ou de leur importation au Canada.

Il convient de souligner que les lignes directrices fournissent des précisions sur un élément qui n’est pas explicitement exigé par la Loi, c’est-à-dire le questionnaire en ligne visant à recueillir des renseignements sur la conformité législative au moyen d’une série de questions ouvertes et fermées. Mentionnons au passage que le rapport d’une entité peut s’accompagner de suppléments d’information, comme des tableaux ou des graphiques.

Le questionnaire se compose d’une série de questions d’identification obligatoires et facultatives au sujet du nom légal de l’entité concernée, de l’exercice financier visé par le rapport et de l’endroit concerné, entre autres. Cet exercice permet aux entités de prouver leur conformité à la Loi et de fournir davantage de renseignements sur certaines questions fermées. Un autre des objectifs est de confirmer que le rapport a reçu les approbations requises et comprend une attestation signée.

Format des rapports

Jusqu’à maintenant, nos seules références pour la production de rapports sur l’esclavage moderne provenaient d’autres pays, par exemple de la législation britannique (Modern Slavery Act 2015) ou australienne (Modern Slavery Act 2018). Il existe toutefois plusieurs nuances entre les exigences de ces lois et celles de la nouvelle Loi canadienne, notamment pour ce qui touche le format et le contenu des rapports. Voici un résumé de ce qu’expliquent les lignes directrices à ce sujet :

  • Format : Pour être conforme, un rapport doit satisfaire aux exigences des paragraphes 11(1) et 11(3) de la Loi, avoir reçu les approbations nécessaires, s’accompagner d’une attestation signée, ne pas dépasser 10 pages (ou 20 s’il est rédigé dans les deux langues) et être un fichier PDF de moins de 100 Mo.
  • Langue : Bien que les rapports puissent être soumis dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada, il est recommandé de les présenter en français et en anglais. Une entité peut se voir demander des copies traduites de son rapport par le ministère.
  • Approbation et attestation : Les rapports doivent être approuvés et attestés par le corps dirigeant pertinent (par exemple le conseil d’administration de l’entité). L’attestation doit inclure la signature d’un membre du corps dirigeant et un énoncé qui indique que le rapport a été approuvé. Les lignes directrices précisent même la formulation à employer.
  • Rapports conjoints : Il est permis pour des entités appartenant au même groupe d’entreprises de soumettre un rapport conjoint, mais seulement si les renseignements qui y figurent s’appliquent à toutes les entités visées. Si des entités d’un même groupe d’entreprises ont des profils de risque différents ou n’ont pas pris les mêmes mesures relativement au travail forcé et au travail des enfants, elles ne pourront peut-être pas remplir un seul rapport.
  • Renseignements : Les lignes directrices se penchent également sur les attentes du ministère quant aux huit exigences du paragraphe 11 de la Loi que les rapports doivent respecter. Le questionnaire contient aussi des exemples de mesures que les entités pourraient avoir prises à cet égard. 
  • Niveau de détail : Le degré de précision attendu dans les rapports ou les questionnaires n’est actuellement pas défini clairement, mais la limite de pages, par exemple, peut s’avérer un indice pertinent. Les entités doivent considérer ce qu’il est approprié d’inclure dans le rapport en fonction de leur taille et de leur profil de risque. Il est par ailleurs possible d’inclure des liens vers des documents ou des sites Web accessibles au public pour compléter les renseignements fournis. Un langage clair, simple et facilement compréhensible est à privilégier.

Questions d’interprétation

Même au stade embryonnaire, la Loi soulevait déjà de nombreuses questions d’interprétation auprès des entreprises canadiennes. Les lignes directrices remédient à la situation en clarifiant plusieurs éléments, par exemple :

  • Qu’entend-on par « exercer des activités au Canada »? Plusieurs questions de droit fiscal et de droit de l’emploi entrent en jeu lorsque vient le temps pour une entité de déterminer si elle a un lieu d’activité, une présence commerciale ou des actifs au Canada, par exemple le sens ordinaire de ces expressions, de même que l’endroit où les marchandises, les employés, les livraisons, les actifs, les stocks et les comptes bancaires sont situés. Notablement, faire des affaires au Canada n’exige pas d’avoir un établissement au Canada.
  • Comment les entités doivent-elles évaluer les seuils financiers? Les seuils financiers entourant les actifs, les revenus et les employés d’une entité aux termes de la loi doivent être calculés de manière globale, sur la base des états financiers consolidés, et tenir compte des entités contrôlées (filiales). Une entité n’est toutefois pas tenue de compter parmi ses actifs, ses revenus et ses employés, ceux de sa société mère.
  • Dans quelles circonstances une entité est-elle considérée comme importatrice de marchandises? On juge qu’une entité se livre à des activités d’importation au Canada si elle est responsable de la comptabilisation de ces marchandises en vertu de la Loi sur les douanes fédérale. L’achat de marchandises auprès d’un tiers qui est considéré comme l’importateur aux fins de la Loi sur les douanes est exclu de cette définition. Les lignes directrices soulignent également qu’il n’y a pas de seuil prescrit pour la valeur minimale des marchandises qu’une entité doit importer pour que la Loi s’applique; les termes utilisés dans la Loi devraient être compris comme excluant les transactions très mineures.
  • Que signifie être une entité qui en contrôle une autre? Les lignes directrices indiquent que le terme « contrôle » doit être interprété de manière générale, conformément aux fins de la Loi. Ces instructions ne sont pas prescriptives, mais peuvent être utiles pour déterminer si une entité en contrôle une autre selon les normes comptables applicables. Le contrôle doit être considéré comme une question de substance plutôt que de forme.

Prochaines étapes

Si ce n’est pas déjà fait, les sociétés cotées en bourse au Canada ainsi que les autres entreprises exerçant des activités au pays qui atteignent les seuils financiers énoncés dans la Loi devraient penser à déterminer si elles doivent produire un rapport sur l’esclavage moderne. Les entités tenues de soumettre un rapport devraient déjà commencer à le préparer en vue de l’échéance du 31 mai 2024, en s’assurant de suivre les lignes directrices de Sécurité publique Canada.

Principaux contacts