Le 6 janvier 2025, Justin Trudeau a annoncé publiquement son intention de démissionner comme premier ministre du Canada. Sur les recommandations du premier ministre, la gouverneure générale du Canada a prorogé ou suspendu le Parlement jusqu’au 24 mars 2025.
Incertitude d’une prorogation
Lors d’une prorogation, les deux chambres du Parlement cessent de siéger et tous les projets de loi en cours de débat ou d’étude sont abandonnés. Sous réserve d’exceptions limitées, cela signifie qu’à l’ouverture d’une nouvelle session parlementaire, il faut présenter à nouveau les projets de loi comme s’ils n’avaient jamais existé, notamment celui visant à augmenter le taux d’inclusion des gains en capital. En prorogeant le Parlement jusqu’au 24 mars, le Parti libéral du Canada évite la tenue d’un vote de confiance et gagne du temps pour organiser une course à la direction.
Modification du taux d’inclusion des gains en capital
En avril 2024, le gouvernement fédéral a annoncé qu’à compter du 25 juin 2024, le taux d’inclusion des gains en capital (la partie d’un tel gain qui est incluse dans le revenu aux fins de l’impôt) passerait de la moitié aux deux tiers. Par conséquent, beaucoup de contribuables ont planifié leur déclaration de revenus en prévision de cette hausse afin de cristalliser leurs gains et de profiter du taux d’inclusion moindre. Voir ici un résumé des changements et des stratégies fiscales.
Le 23 septembre 2024, le gouvernement a déposé un Avis de motion de voies et moyens visant à présenter le projet de loi qui augmentait le taux d’inclusion des gains en capital pour ceux réalisés après le 24 juin 2024 (le projet de loi sur les gains en capital). Si le projet de loi sur les gains en capital est adopté (dans sa forme actuelle) lors de la reprise des travaux du Parlement, il entrerait en vigueur le 25 juin 2024 (la date prévue dans les propositions initiales). Il y a toutefois des raisons de croire que le gouvernement actuel tombera peu après la prorogation et que de nouvelles élections suivront. Il se peut également qu’un gouvernement libéral dirigé par un nouveau chef maintienne le taux d’inclusion de 50 %.
Les contribuables ont reçu peu d’indications sur la méthode à suivre pour inclure leurs gains en capital dans leur déclaration de revenus de 2024 avant la date limite de dépôt du 30 avril (ou du 30 juin pour les sociétés dont l’exercice se termine le 31 décembre). En raison de cette incertitude législative, les contribuables se retrouvent désormais avec les deux options suivantes :
OPTION 1 : Préparer leur déclaration de revenus en utilisant le taux d’inclusion des gains en capital majoré des deux tiers et (par conséquent) payer trop d’impôts, si le taux d’inclusion est finalement maintenu à la moitié; ou
- produire une déclaration modifiée et demander ensuite un remboursement si le taux reste inchangé. Cependant, le remboursement ne serait pas émis immédiatement, ce qui priverait les contribuables de sommes indéterminées pendant un certain temps.
OPTION 2 : Préparer leur déclaration de revenus avec le taux d’inclusion de la moitié, mais faire face à des intérêts non déductibles et à d’éventuelles pénalités si le projet de loi sur les gains en capital entre en vigueur et reçoit la sanction royale après le 24 mars 2025.
Administration par l’ARC
Malgré la prorogation du Parlement et l’absence de promulgation de la loi sur les gains en capital, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a indiqué qu’elle appliquerait le taux d’inclusion des deux tiers : « Conformément à la pratique courante, l’ARC applique les modifications du taux d’inclusion des gains en capital à compter du 25 juin 2024, selon les propositions figurant dans l’[Avis de motion de voies et moyens] déposé le 23 septembre 2024. Pour tous les contribuables, le nouveau taux d’inclusion s’appliquera aux gains en capital réalisés à compter du 25 juin 2024. »
Intérêts et pénalités
Selon le chapitre 12.3.5 du Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu (Manuel de la vérification) de l’ARC, si la modification proposée n’est pas avantageuse pour un contribuable, l’ARC ne peut pas exiger qu’il s’y conforme. En pareil cas, l’ARC doit informer le contribuable qu’il lui incombe d’appliquer la loi telle qu’elle a été promulguée après avoir reçu la sanction royale et qu’il pourrait devoir payer des intérêts (et peut-être des pénalités) sur les montants exigibles.
Selon le Manuel de la vérification :
Les modifications proposées restent sans effet tant qu’elles ne sont pas visées par une sanction royale et ne peuvent donc pas être imposées à un contribuable. Cependant, étant donné que les modifications sont généralement appliquées de façon rétroactive après la date de la sanction royale, le contribuable est tenu d’appliquer la loi selon la loi modifiée après la sanction royale.
Par exemple, une modification entre en vigueur à la date de sa proclamation, soit le 31 mars 2015, mais elle ne reçoit la sanction royale que le 29 février 2016. Sans l’accord du contribuable, le vérificateur doit attendre au moins jusqu’au 29 février 2016 pour établir, concernant le contribuable, une cotisation fondée sur la législation modifiée. Cependant, lorsque la sanction royale est obtenue, l’accord du contribuable n’est plus exigé et la cotisation est établie à partir de la date de la proclamation. (12.3.4)
…
Si un contribuable refuse de payer immédiatement la cotisation fondée sur une modification de la loi, on doit lui envoyer une lettre au moment où prend fin la vérification. La lettre devrait informer le contribuable que la pénalité et les intérêts, si c’est le cas, s’appliquent sur toute dette fiscale en souffrance après la date de la sanction royale. (12.3.11)
…
Si une modification de la LIR favorise le contribuable, elle est considérée comme une loi en vigueur à compter de la date indiquée dans la proclamation. (12.3.13)
D’après le Manuel de la vérification, les pénalités sont appliquées à partir de la date de la sanction royale. En cas de déclaration tardive, elles s’élèvent à 5 % du solde impayé, plus 1 % pour chaque mois complet de retard, jusqu’à un maximum de 12 mois.
Quant aux taux d’intérêt, le taux appliqué par l’ARC aux impôts impayés est de 8 % (T1, 2025) pour un contribuable qui a choisi l’option 2 (préparer les déclarations de revenus selon le taux d’inclusion des gains en capital de 50 %). Ce taux est plus élevé que le montant d’intérêt sur remboursement qui serait versé au contribuable qui a choisi l’option 1 et déclaré un taux de gains en capital de 66 %, puis produit une déclaration modifiée si le taux ne change pas. Le taux d’intérêt sur les remboursements, s’il est appliqué, est de 4 % pour les sociétés contribuables et de 6 % pour les particuliers et les fiducies (T1, 2025). Il est imposable pour le bénéficiaire.
Étant donné que les déclarations et les impôts des sociétés et des fiducies peuvent être exigibles avant que soit publiée la version à jour des formulaires fiscaux le 31 janvier 2025 (date prévue), l’ARC a déclaré que, le cas échéant, les sociétés et les fiducies concernées par le projet de loi sur les gains en capital dont la date limite de dépôt est au plus tard le 3 mars 2025 bénéficieront d’un allègement des arriérés d’intérêt et des pénalités. L’exemption des intérêts expirera le 3 mars 2025.
Pour de plus amples renseignements à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec l’un des auteurs ou l’une des personnes-ressources ci-dessous.