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Perspectives

Un tribunal de l’Ontario rejette une action en responsabilité du fait du produit en raison du délai de prescription ultime

Dans l’affaire Hennebury v. Makita Canada Inc, 2025 ONSC 3850, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a, pour ce qui semble être la première fois, rejeté une réclamation en responsabilité du fait du produit alléguant notamment un défaut de mettre en garde en raison du délai de prescription ultime.

Contexte

En 2019, le demandeur utilisait une toupie dans son atelier lorsqu’elle aurait soudainement accéléré de sorte qu’une mèche de meulage s’est brisée et l’a atteint, ce qui lui a causé des blessures. Il a poursuivi Makita Canada Inc. (« Makita »), lui reprochant divers actes de négligence, dont un manquement à l’obligation de mise en garde.

Au cours des procédures, on a appris que la toupie avait été fabriquée en mars 2001, 19 ans avant que le demandeur n’intente son recours.

Makita a présenté une requête en jugement sommaire, soutenant que le délai de prescription ultime de 15 ans prévu au paragraphe 15(2) de la Loi de 2002 sur la prescription des actions, L.O. 2002, c. 24, annexe B (la « Loi ») était écoulé.

Décision

La juge a fait droit à la requête en jugement sommaire de Makita, et a rejeté le recours dans son intégralité.

Le délai de prescription ultime de 15 ans est de rigueur; il reflète la nécessité d’un règlement définitif en matière contentieuse. À défaut d’une telle limite, les parties seraient forcées d’engager des frais de tenue de dossiers et d’assurance indéfiniment. Il s’ensuit que le principe de la possibilité de découvrir la preuve ne s’applique pas au délai de prescription ultime.

Toutefois, dans le souci d’équilibrer les intérêts des parties, la Loi prévoit certaines exceptions. Selon l’alinéa 15(6)a) de la Loi, dans le cas d’un acte ou d’une omission continus, le délai de prescription débute lorsque cesse l’acte ou l’omission. La question que devait trancher la juge était donc celle de savoir si un manquement à l’obligation de mettre en garde le demandeur d’un défaut de fabrication constituait un « acte ou une omission continus » aux fins de la Loi.

La juge a conclu que non. Si l’obligation de mise en garde d’un distributeur est continue, le simple fait d’alléguer un manquement à celle-ci ne met pas, selon la juge, un demandeur à l’abri du délai de prescription ultime.

Elle a d’abord souligné que les allégations de la déclaration reposaient entièrement sur le défaut de fabrication allégué, que l’on prétendait connu de Makita. La juge, s’appuyant fortement sur la récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Huether v. Sharpe, 2025 ONCA 140, s’est ensuite penchée sur la définition de [traduction] « cause d’action continue ».

Elle a souligné qu’un comportement ne saurait être continu du seul fait qu’il cause un préjudice continu ou différé. Il faut une répétition d’actes de même nature. Un devoir de diligence général et continu envers le demandeur – lequel comprendrait le devoir, en matière de responsabilité du fait du produit, d’avertir le consommateur d’un défaut – ne satisfait pas à cette définition.

La juge a conclu que Makita n’avait rien fait qui constituait un acte ou une omission continus depuis la fabrication de la toupie, et que par conséquent, le délai de prescription ultime avait commencé à courir en mars 2001 en ce qui concerne la réclamation pour manquement à l’obligation de mise en garde.

La réclamation était donc entièrement prescrite, et un jugement sommaire a été rendu en faveur de Makita.

Points à retenir

En matière de responsabilité du fait du produit, il y a toujours lieu d’établir si le produit a été fabriqué plus de 15 ans avant la présentation de la réclamation.  Un demandeur ne peut faire échec au délai de prescription ultime par la simple allégation d’un manquement à l’obligation de mise en garde, sans autre précision ou prétention.  Cela semble être la toute première fois que le délai de prescription ultime est invoqué avec succès dans une affaire de responsabilité du fait du produit au Canada.

Les auteurs ont représenté Makita Canada Inc.

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