une main qui tient une guitare

Perspectives

Principaux enjeux de 2021 en matière d’énergie : incidence pour 2022 et les années à venir

En 2021, un changement structurel durable a continué de s’opérer au sein du secteur canadien de l’énergie en ce qui a trait à la transition énergétique, à la tarification, aux politiques gouvernementales et au processus d’examen réglementaire. En effet, nous avons observé que plusieurs tendances influent positivement sur le secteur, notamment l’augmentation des activités de fusion et acquisition porteuses de croissance à long terme, l’importance grandissante de la transition énergétique et de la décarbonisation, de même que la participation accrue des peuples autochtones à l’aménagement de projets d’énergie.

Les avocats et avocates de BLG spécialisés en énergie se sont penchés sur bon nombre de ces changements et nouveautés qui se refléteront sur les tendances, les décisions d’affaires et la croissance du secteur au cours des années à venir.

Participation accrue des peuples autochtones dans les projets d’énergie

(Rick Williams, Tim Pritchard et Chris Roine)

Au Canada, il n’est pas rare que les projets d’énergie se situent sur les terres traditionnelles d’au moins une nation autochtone. Divers programmes d’incitation et de financement gouvernementaux à l’échelle provinciale et fédérale, tout comme la pression croissante qu’exercent les actionnaires et investisseurs soucieux de présenter un bilan positif pour ce qui touche les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), contribuent à encourager la participation des peuples autochtones à ce type de projets, notamment au moyen de partenariats et de coentreprises et, de plus en plus souvent, de participations en capital et de droits de propriété directe.

2021 a vu naître de nombreux partenariats avec des Premières Nations dans le cadre de projets d’énergie conventionnelle et renouvelable d’envergure :

  • Il a été annoncé que la Première Nation de Fort Nelson dirigerait un projet de production d’énergie géothermique près de Fort Nelson, en Colombie-Britannique, qui mettra à profit des puits de gaz existants afin de limiter la perturbation du territoire.
  • Fortescue Future Industries a conclu une entente avec trois groupes autochtones de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de Terre-Neuve-et-Labrador afin d’explorer la viabilité d’importants projets de production d’hydrogène à l’aide de barrages hydroélectriques et de parcs éoliens.
  • Un partenariat entre Kanata Clean Power, Climate Technologies et la Première Nation de Frog Lake (installée à l’est d’Edmonton) a été proposé pour la construction d’une centrale électrique au gaz naturel carboneutre en Alberta.
  • Le réseau pipelinier Northern Courier en Alberta a été vendu à un partenariat de trois Premières Nations et cinq communautés métisses dans le cadre d’une opération financée en partie par l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation (« AIOC »).
  • Fortis Inc. et 24 Premières Nations se sont associées dans le cadre du Wataynikaneyap Transmission Project afin de fournir de l’électricité aux communautés autochtones éloignées du nord-ouest de l’Ontario. Le projet a reçu une subvention de 1,6 M$ du gouvernement fédéral.

Plusieurs de ces projets, entre autres initiatives, ont pu profiter de programmes de financement du gouvernement, notamment le First Nations Clean Energy Business Fund de la Colombie-Britannique ou le Programme fédéral des énergies renouvelables émergentes. Plusieurs projets ont été annoncés au cours de la dernière année, notamment :

  • En décembre 2021, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé l’initiative Indigenous Clean Energy visant à fournir du financement à 10 Premières Nations de la province pour les aider à mettre en œuvre des projets d’énergie de remplacement et à favoriser l’efficacité énergétique dans leurs communautés. L’objectif principal est de soutenir l’élaboration de projets de production d’énergie propre (au fil de l’eau, éolienne, de la biomasse, solaire, marine, géothermique, etc.).
  • Le 25 mars 2021, la province de la Colombie-Britannique a annoncé qu’elle avait fourni, par l’entremise de son programme Renewable Energy for Remote Communities, la somme de 1,8 M$ à trois communautés autochtones éloignées (la Première Nation Kwadacha, la Nation dénée de Lhoosk'uz et la Première Nation de Hesquiaht) pour financer l’installation de panneaux solaires qui réduiraient leur dépendance au diesel.
  • Le 12 mars 2021, le gouvernement du Canada a annoncé un investissement de 40,5 M$ dans le projet d’aménagement de la centrale géothermique de Clarke Lake provenant de son Programme des énergies renouvelables émergentes.
  • Le 27 avril 2021, l’AIOC a annoncé l’octroi d’un prêt de 27 M$ à la Première Nation de Frog Lake afin de l’aider à continuer à exploiter la centrale de cogénération Lindbergh à long terme.
  • Le 26 septembre 2021, l’AIOC a annoncé qu’elle avait accordé une garantie de prêt d’une valeur maximale de 40 M$ à huit communautés autochtones afin de financer un investissement dans le réseau pipelinier Northern Courier.

Au Canada, il devient de plus en plus nécessaire de soutenir les communautés autochtones pour obtenir des approbations réglementaires. La tendance vers la collaboration avec les Autochtones pour l’exploitation des ressources indique qu’il ne suffit plus, pour les promoteurs de projets, de compter uniquement sur la conclusion d’ententes sur les répercussions et les avantages. « Les modèles d’affaires collaboratifs constituent le moyen le plus avantageux pour les promoteurs et les communautés autochtones de maximiser leurs retombées; ils nécessitent par ailleurs un examen attentif des facteurs clés entourant les exigences financières, opérationnelles et liées à la gouvernance. »

Pour plus d’information sur le sujet, visionnez le webinaire de BLG intitulé « Perspectives on First Nations Issues and Canadian Energy Projects ».

Taxe sur les émissions carboniques et décarbonisation

(Karen Salmon et Jonathan Cocker)

En 2021, plusieurs actions climatiques qui promettent d’opérer un changement durable ont été adoptées. Notamment, la Cour suprême du Canada a confirmé une fois pour toutes la validité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (« LTPGES »)fédérale, tandis que le gouvernement du Canada a continué de mettre en œuvre une combinaison de mesures réglementaires et incitatives dans le but de progresser plus rapidement vers son objectif de carboneutralité, en plus de réaffirmer ses engagements en prévision de la COP26. En outre, les gouvernements fédéral et de l’Alberta ont annoncé des investissements importants dans les initiatives de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (« CUSC »), qui jouent un rôle déterminant dans l’atteinte de la carboneutralité. On peut également s’attendre à l’adoption, en 2022, de mesures législatives sur les carburants à faible teneur en carbone.

Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité et COP26

Dans l’optique de se préparer à la tenue de la COP26 et de répondre à son obligation de présenter ses contributions déterminées au niveau national en vertu de l’Accord de Paris, le gouvernement du Canada a édicté en juin 2021 la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, première du genre au pays à imposer des exigences au gouvernement pour ce qui est de mettre en place un plan de réduction des émissions et de faire rapport de ses progrès en la matière.

La Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité fixe des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (« GES ») en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et énonce un cadre de responsabilisation selon lequel le gouvernement devra produire un plan, des rapports et des évaluations. Actuellement, la Loi vise des réductions de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. Par ailleurs, le ministre doit établir la cible nationale en matière de réduction des gaz à effet de serre :

  • pour 2035 d’ici le 1er décembre 2024;
  • pour 2040 d’ici le 1er décembre 2029;
  • pour 2045 d’ici le 1er décembre 2034.

En juillet 2021, le gouvernement du Canada a annoncé que la cible de réduction prévue par la Loi représentait sa contribution déterminée au niveau national. Avant la tenue de la COP26, il a aussi continué à mettre de l’avant un ensemble de mesures réglementaires et incitatives ayant pour objectif d’accélérer la progression du Canada vers cette ambitieuse cible.

Initiatives de CUSC

« Les technologies de CUSC sont de plus en plus reconnues comme des outils précieux en matière de réduction des émissions de GES et d’action climatique. Au Canada, on prévoit que les efforts de CUSC contribueront grandement à l’atteinte des objectifs nationaux de carboneutralité. » Le gouvernement fédéral travaille donc à l’élaboration d’une stratégie qui reconnaîtra l’importance des efforts de CUSC dans la lutte contre les changements climatiques ainsi que les possibilités économiques liées à la croissance de cette industrie. Celui-ci a de plus annoncé dans son budget de 2021 des investissements majeurs dans les activités de recherche, de développement et de démonstration visant à assurer la viabilité commerciale des technologies de CUSC dans le cadre du programme d’innovation énergétique. Le gouvernement de l’Alberta a emboîté le pas en injectant des sommes importantes dans de nouveaux projets de CUSC.

Ce type de projets est monnaie courante en Alberta depuis plusieurs années; pensons notamment à l’Alberta Carbon Trunk Line et au projet Quest de Shell, qui représentent collectivement un investissement public de 1,24 G$ d’ici 2025. Le financement de sept autres projets de CUSC par l’entremise d’un investissement de 131 M$ dans le cadre de l’Industrial Energy Efficiency and Carbon Capture Utilization and Storage Grant Program a par ailleurs été annoncé en novembre. De nombreux projets de CUSC privés ont aussi été annoncés en 2021, notamment le projet Alberta Carbon Grid dévoilé en juin par Pembina Pipeline Corporation et TC Énergie de même que le projet Polaris de Shell annoncé en juillet.

Le régime réglementaire de l’Alberta pour ce qui touche les activités de CUSC se base largement sur le cadre qui régit actuellement le pétrole et le gaz, entre autres la Carbon Sequestration Tenure Regulation de 2011. Le gouvernement albertain a déclaré en mai 2021 ne pas envisager de changements immédiats à la législation et à la réglementation existantes; il demeure toutefois ouvert à y apporter des modifications si nécessaire. L’évolution constante de l’industrie du CUSC et des technologies connexes demandera vraisemblablement des ajouts aux lois et aux règlements actuels.

Norme sur les combustibles propres (« NCP »)

Actuellement au stade de projet de règlement, la mouture définitive de l’importante NCP devrait être publiée au printemps 2022, avec prise d’effet au mois de décembre.

Dans l’intervalle, Environnement et Changement climatique Canada a publié le très attendu modèle d’analyse du cycle de vie des combustibles, qui permettra aux utilisateurs qui adhèrent à la NCP de mieux comprendre la rentabilité de diverses activités et les possibilités d’obtention de crédits connexes.

Quelques ajustements de dernière minute pourraient être apportés à la NCP, mais tout indique que le Canada adoptera des mesures législatives sur les carburants à faible teneur en carbone en 2022.

Renvois relatifs aux émissions de GES

En mars 2021, la Cour suprême du Canada (« CSC ») a rendu des décisions dans trois renvois en provenance de la Saskatchewan, de l’Ontario et de l’Alberta, où la question en jeu était la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (L.C. 2018, ch. 12, art.186). Dans un arrêt rendu par six juges contre trois, elle a confirmé que la LTPGES résultait d’un exercice valide du pouvoir fédéral de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada (le « pouvoir POBG »). Reportez-vous à notre article sur le sujet pour une analyse plus détaillée de la question.

La CSC a jugé que la matière véritable de la LTPGES était « l’établissement de normes nationales minimales de tarification rigoureuse des GES en vue de réduire les émissions de ces gaz », et qu’elle relevait par conséquent de la compétence fédérale au titre du pouvoir POBG. Elle a établi que la matière était suffisante pour être considérée comme étant d’intérêt national, que les provinces n’avaient pas la capacité de s’en occuper et que l’empiétement sur leur compétence était acceptable.

Cet arrêt a permis d’offrir une clarté et une certitude des plus nécessaires en ce qui a trait aux compétences fédérales et provinciales en matière de politique sur les changements climatiques, et pourrait avoir des répercussions sur des litiges futurs relatifs au partage des pouvoirs dans le secteur de l’énergie. De plus, la décision de la CSC pourrait influencer l’issue du renvoi d’un dossier de contestation de la Loi sur l’évaluation d’impact (« LEI ») fédérale par le gouvernement de l’Alberta entendu par la Cour d’appel de l’Alberta en février 2021.

Demande d’Enbridge relative à la canalisation principale

(Alan Ross, Laurie Ziola et Bradon Willms)

Le 26 novembre 2021, la Régie de l’énergie du Canada (« REC ») a publié ses Motifs de décision expliquant pourquoi elle avait refusé la demande de Pipelines Enbridge Inc. d’offrir un service de transport garanti équivalant à 90 % de la capacité disponible du plus grand réseau pipelinier au Canada. La REC a conclu que cette proposition était discriminatoire et contraire à l’obligation de transporteur public d’Enbridge, et qu’elle entraînerait l’établissement de droits injustes et déraisonnables. Par conséquent, le plus grand pipeline d’exportation de pétrole au Canada est tenu de continuer à fournir un service d’une capacité souscrite à 100 %.

La canalisation principale d’Enbridge, plus important réseau de transport de pétrole brut au Canada, représente environ 70 % de la capacité pipelinière totale du pays. La canalisation principale au Canada a toujours fourni un service non souscrit à titre de transporteur public, sans conclure de contrat de service à long terme. Dans sa demande, Enbridge proposait l’établissement de droits fixes à long terme pendant une période maximale de 20 ans, ce que la société n’avait jamais fait auparavant. De surcroît, cette proposition se distinguait des autres demandes de service souscrit à l’égard de grands pipelines pétroliers canadiens puisqu’elle ne prévoyait pas de nouvel investissement majeur. Ayant été déposée à une période marquée par un marché particulièrement restreint où les producteurs d’énergie peinaient à trouver des services de transport d’une capacité suffisante pour répondre à leurs besoins, cette demande a donné lieu à de vifs débats dans les cercles des entreprises de raffinage, des producteurs pétroliers en amont et des associations sectorielles.

« La REC était d’avis que l’approbation de la demande aurait de lourdes répercussions sur l’industrie pétrolière dans son ensemble. » Elle a rejeté la demande d’Enbridge au motif que bien qu’on y donnait quelques raisons d’instaurer un service souscrit sur la canalisation principale, l’adoption de la proposition « aurait changé radicalement et soudainement, et probablement réduit, l’accès global à la canalisation principale au Canada, sans justification convaincante ». Essentiellement, la demande ne prévoyait pas un accès suffisant à un service non souscrit pour respecter l’obligation de transporteur public d’Enbridge en vertu du paragraphe 239(1) de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie,et les droits, les modalités et les conditions qu’elle proposait soulevaient des questions quant à leur conformité aux exigences mentionnées aux articles 230 et 235 de la loi concernant l’établissement de droits injustes et déraisonnables et la discrimination injuste.

Le rejet de la demande d’Enbridge signifie que les droits et les modalités de service existants demeureront en vigueur jusqu’à ce que la REC en approuve de nouveaux. Mais attention : cette décision n’a pas pour effet d’empêcher le dépôt, dans les circonstances appropriées, d’autres offres de service souscrit relativement à la canalisation principale. La REC a aussi évoqué la possibilité d’effectuer une évaluation du coût de service sur la canalisation principale, mais ce processus est généralement long et dispendieux.

Dans un communiqué de presse publié peu après la décision, Enbridge a annoncé la prochaine étape de son plan : consulter ses actionnaires afin d’établir un processus de négociation d’un nouveau cadre commercial pour les propositions de service sur la canalisation principale, qui pourrait notamment être adapté pour inclure une version modifiée ou allongée des ententes de règlement pertinentes, des ententes d’allègement des tarifs ou une structure d’établissement des coûts de service. Un règlement négocié largement soutenu par des producteurs, des expéditeurs et le secteur du raffinage serait la solution la plus rentable et efficace pour toutes les parties, mais il n’est jamais simple d’obtenir un appui général, comme l’ont démontré les démarches entreprises par Enbridge en 2021. Enbridge et ses parties prenantes devront examiner attentivement toutes les préoccupations soulevées lors de son processus d’offre de service de 2021 ainsi que les Motifs de décision de la REC afin de collaborer et de mettre au point un nouveau cadre commercial, quel qu’il soit. Il sera intéressant de suivre les prochains chapitres de cette histoire; restez à l’affût.

Pipelines et commerce de l’énergie

(Peter Bryan)

En 2021, les pipelines ont continué de servir de paratonnerres à une panoplie de débats sociaux, économiques et politiques. Ces controverses publiques, ainsi que les retards, les coûts accrus et les incertitudes croissantes qui en découlent, devraient persister pendant quelques années encore alors que les organismes de réglementation, les tribunaux et les sociétés se penchent sur les litiges connexes.

Effets polarisants des enjeux politiques entourant les pipelines

Le début de l’année 2021 a été marqué par la révocation par l’administration Biden du permis présidentiel visant la construction et l’exploitation du pipeline Keystone XL, car un tel projet ne cadrait pas avec ses objectifs économiques et environnementaux. La construction de la partie canadienne du pipeline de 1 897 kilomètres et 830 000 barils par jour avait déjà été entamée et l’Alberta y avait investi 1,5 G$. En juillet, le promoteur, TC Énergie, a intenté une poursuite de 15 G$ contre le gouvernement américain en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA en raison de l’avortement du projet.

La canalisation 5 d’Enbridge, qui achemine 540 000 barils par jour de pétrole brut et de produits, a aussi fait l’objet de différends transfrontaliers. En novembre 2020, la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, avait révoqué une servitude essentielle instituée en 1953; s’en sont suivies des négociations entre Enbridge et le Michigan ainsi qu’une querelle portant sur la détermination du tribunal le plus approprié pour régler cette affaire. Le gouvernement du Canada s’en est mêlé en octobre 2021 en invoquant le processus de négociation et d’arbitrage prévu dans son traité de 1977 avec les États-Unis sur les pipelines de transit. Ce traité interdit aux autorités publiques d’instaurer des mesures ayant pour but ou comme effet d’empêcher, de dévier, de réorienter ou d’entraver de quelque manière que ce soit l’acheminement d’hydrocarbures en transit. Que la question soit tranchée par la Cour fédérale ou par le traité, l’issue du conflit entre Enbridge et le Michigan établira d’importants précédents qui auront des répercussions sur l’infrastructure de l’énergie transfrontalière et la sécurité du transport international.

En 2022, les cycles électoraux de courte durée continueront d’avoir des répercussions sur les projets d’infrastructure de longue haleine dans le secteur de l’énergie, et il demeurera complexe de composer avec les exigences propres à chaque projet (p. ex. permis présidentiels et réglementaires) et les traités internationaux (p. ex. commerciaux ou environnementaux).

En 2021, les chefs héréditaires wet’suwet’en et leurs supporteurs ont continué de lutter contre la construction du controversé gazoduc de Coastal GasLink de 640 kilomètres et 2,1 milliards de pieds cubes par jour en Colombie-Britannique. Les manifestations et les blocages, sur fond de revendications territoriales des groupes autochtones, d’enjeux de gouvernance interne et de préoccupations environnementales, se sont soldés par des arrestations par la GRC et une injonction interdisant aux manifestants de bloquer l’accès aux routes. L’analyse des nombreuses questions juridiques liées à ce conflit, notamment les droits et les titres ancestraux, le respect des injonctions, la liberté d’expression et l’application des lois fédérales, autochtones et internationales devrait se poursuivre pendant un bon moment encore.

Mis à part les débats politiques et sociaux qu’ils suscitent, les pipelines ont aussi retenu l’attention de nombreux acteurs du secteur commercial en 2021. Le profil des investisseurs et des actionnaires est cependant en pleine évolution – ce qui se poursuivra certainement en 2022. D’un côté, Trans Mountain a dû se battre pour protéger, dans divers dépôts réglementaires, l’identité des investisseurs dans son oléoduc de 12 G$ (dont le coût a d’ailleurs considérablement augmenté) et s’est associé à d’autres sociétés qui ont eu à répondre à des déclarations publiques d’assureurs, de banques et d’investisseurs ayant affirmé vouloir s’éloigner de l’industrie pétrolière. De l’autre, les projets d’oléoduc de Northern Courier et de Trans Mountain ainsi que le réseau Inter Pipeline continuent d’attirer divers investisseurs nouveaux et potentiels, notamment des investisseurs autochtones et en capital-investissement.

De plus, les débats au sujet de la structure commerciale des contrats relatifs aux pipelines sont passés au premier plan en 2021 lorsque la REC a publié en novembre sa décision de refuser la proposition d’Enbridge de réserver environ 90 % de la capacité de 3 millions de barils par jour de sa canalisation principale pour des contrats de service souscrit à long terme (par opposition à un accès mensuel). Ce dossier hautement controversé a jeté un éclairage révélateur sur les questions d’accès au marché, les obligations de transporteur public et le cadre commercial de la canalisation principale. Il risque également d’avoir des répercussions à long terme sur les droits liés aux coûts de service sur la canalisation principale et d’établir un précédent au chapitre des négociations concernant des pipelines.

BLG s’attend à ce que l’on continue d’accorder une attention particulière à l’équilibre entre les risques et les avantages sur le plan commercial et à l’évaluation des besoins et des incidences dans le secteur pétrolier en 2022.

Litiges relatifs aux changements climatiques au Canada

(Matti Lemmens)

Les sociétés canadiennes – plus particulièrement celles qui œuvrent dans le secteur du pétrole et du gaz – sont toujours exposées à des litiges liés au climat. L’affaire Milieudefensie et al. v. Royal Dutch Shell (« l’affaire Shell »), notamment, a mis en lumière de nouveaux risques pour les sociétés gazières et pétrolières internationales. La décision des tribunaux devrait toutefois avoir une incidence plus modérée au Canada, dont le système judiciaire diffère de celui des Pays-Bas.

En mai 2021, un tribunal de première instance de La Haye a ordonné à Shell de réduire ses émissions de CO2 de 45 % par rapport aux niveaux de 2019 d’ici 2030 en citant un « devoir de diligence non écrit » dans le code civil néerlandais. Interprétant cette obligation non écrite en fonction de traités internationaux en matière de droits de la personne, le tribunal a jugé que Shell avait le devoir de protéger les droits des citoyens et citoyennes des Pays-Bas. Shell a indiqué vouloir interjeter appel de la décision, mais ce dossier jurisprudentiel soulève plusieurs incertitudes et risques pour les sociétés d’énergie, qu’elles se soient dotées ou non de politiques pour réduire leur incidence sur l’environnement.

Au Canada, prenons l’exemple d’un renvoi relatif à la LEI entendu par la Cour d’appel de l’Alberta qui remettait en question la constitutionnalité de la cette loi fédérale puisqu’elle empiétait sur la compétence des provinces en imposant un processus particulièrement rigoureux pour l’approbation de projets d’énergie d’envergure. La LEI introduit ainsi de nouveaux facteurs à prendre en compte lors des évaluations, tels qu’une étape de planification supplémentaire, et prévoit de plus lourdes amendes en cas d’infraction (le tout dans l’optique de lutter contre les changements climatiques). Il est toutefois difficile de prévoir quels projets se verront refusés en raison de la nature discrétionnaire des évaluations. La confirmation de la constitutionnalité de la LEI compliquerait certainement le processus d’approbation des projets d’énergie.

« En résumé, l’affaire Shell et le renvoi relatif à la LEI pourraient tous deux mener à l’imposition aux sociétés d’énergie d’obligations réglementaires plus strictes sur le plan environnemental. » Le système juridique canadien est potentiellement trop différent de celui des Pays-Bas pour que l’affaire Shell y ait quelque répercussion que ce soit. Toutefois, des groupes environnementaux pourraient s’inspirer du dossier pour intenter des recours contre des entreprises canadiennes. En ce qui concerne le renvoi relatif à la LEI, la confirmation de la constitutionnalité de la loi pourrait avoir comme effet de rendre plus coûteux le processus d’approbation pour les grandes sociétés d’énergie.

Tendances en fusions et acquisitions et consolidation dans le secteur de l’énergie

(Miles Pittman et Xiaodi Jin)

Après une période de six ans pendant laquelle le prix des marchandises était particulièrement bas, caractérisée par de timides rétablissements et des revers dévastateurs, les prix du pétrole et du gaz ont augmenté de façon soutenue en 2021. La réponse des producteurs, incertains de la stabilité et de la durabilité de cette reprise, a été mitigée. Certains envisagent des fusions, tandis que d’autres profitent de l’occasion pour quitter le secteur ou se départir d’actifs non essentiels qui n’auraient pas trouvé preneurs il y a un an à peine; quelques nouveaux venus, eux, misent sur la pérennité de cette relance.

« En règle générale, la forte tendance vers les fusions observée en 2020 s’est maintenue en 2021. Si l’on se fie à l’état actuel du marché, les choses risquent de changer en 2022. »

Cette acquisition de 6,07 G$ de Husky par Cenovus, suivie de la vente des stations-service de Husky à Corporation Parkland (« Parkland ») et à Federated Co-operatives Limited (« Federated »), a constitué l’une des opérations phares de 2021. La transaction principale portait sur la totalité des actions; les actionnaires de Husky ont reçu une fraction d’action de Cenovus et une fraction de bon de souscription connexe pour chaque action de Husky. Parkland et Federated ont payé un total de 420 M$ en espèces pour les stations-service. En plus de solidifier la position de Cenovus en tant que producteur de sables bitumineux de premier plan, cette fusion offrira à la société une présence accrue dans l’Est du Canada étant donné la participation de Husky à l’exploitation du champ pétrolier White Rose et au projet d’exploration Flemish Pass.

Fusion d’Inter Pipeline Ltd. (« Inter Pipeline ») et de Brookfield Infrastructure Partners L.P. (« Brookfield »)

Après un long processus d’appel d’offres dans un contexte parfois hostile, Brookfield a réalisé l’acquisition d’Inter Pipeline (et réussi à régler tout différend à l’amiable). Cette opération se basait notamment sur le rendement continuellement fiable d’Inter Pipeline, entité qui est devenue au cours des 15 dernières années l’un des plus importants pipeliniers canadiens.

Autres fusions dignes de mention

Il existe une tendance marquée aux fusions chez les émetteurs en amont de taille moyenne, tel qu’illustré par les opérations survenues entre ARC Resources et Seven Generations Energy, Canadian Natural Resources Ltd. et Storm Resources Ltd., Tourmaline Oil, Black Swan Energy et Jupiter Resources, PrairieSky Royalty et Heritage Royalty, Spartan Delta et Velvet Energy, Whitecap Resources Inc. et TORC Oil & Gas Ltd., ainsi que Tamarack Valley Energy et Anegada Oil Corp. Les prévisions indiquent que l’on assistera probablement en 2022 à davantage de fusions et acquisitions que les années précédentes, mais qu’il s’agira d’opérations à plus petite échelle, les producteurs de toutes tailles voyant la hausse des prix comme une occasion de se défaire d’actifs non essentiels et à haut risque de responsabilité; de plus, les sociétés privées en fin de mandat qui ont attendu la fin du ralentissement économique ou y ont survécu chercheront à obtenir des liquidités selon des paramètres plus raisonnables. Les possibilités ne devraient pas manquer au cours de la prochaine année, mais l’arrivée de nouveaux acheteurs et le pouvoir d’achat accru à la faveur de la hausse des prix des marchandises et de la baisse des budgets d’immobilisations viendront faire contrepoids.

L’hydrogène au Canada

(Kristyn Annis)

En 2021, le vif intérêt pour l’économie de l’hydrogène ne s’est pas démenti; ce domaine a gardé son élan notamment grâce à de nouvelles politiques et mesures incitatives gouvernementales. Bien qu’au moins trois provinces canadiennes et le fédéral aient mis en place des stratégies officielles à cet égard, le financement et les politiques ne sont pas uniformes à l’échelle nationale.
Vous trouverez ci-après un résumé des politiques fédérales et provinciales actuelles relatives à l’hydrogène.

Canada

La Stratégie canadienne pour l’hydrogène a été publiée en décembre 2020 et reprend plusieurs priorités établies dans le cadre des nombreuses initiatives provinciales déjà annoncées en matière d’hydrogène.

Cette stratégie du gouvernement fédéral est unique tant par son ampleur que par sa reconnaissance de la nécessité d’adopter des stratégies à l’échelle régionale. Elle vise à faire du Canada l’un des trois premiers producteurs d’hydrogène au monde et établit un certain nombre d’objectifs sectoriels et industriels pour atteindre ce but ambitieux. Qui plus est, elle renferme pas moins de 32 recommandations réparties en huit « piliers » visant à promouvoir l’investissement et la collaboration au sein des secteurs et entre eux, en plus d’établir des objectifs à court terme (de 2020 à 2025), à moyen terme (de 2025 à 2030) et à long terme (de 2030 à 2050). Le 9 avril 2021, le gouvernement du Canada a créé un comité directeur stratégique dont les responsabilités consistent à établir des priorités, à orienter les mesures, à diffuser les connaissances et à assurer un suivi de l’adoption des recommandations contenues dans la Stratégie. Le comité n’a rien publié jusqu’à maintenant.

Ontario

Le 19 novembre 2020, le gouvernement ontarien a publié un document de discussion intitulé « Stratégie ontarienne relative à l’hydrogène bas carbone », qui s’inscrit dans une stratégie d’action climatique plus globale et fait suite au plan environnemental publié en novembre 2018 dans lequel l’Ontario a annoncé vouloir réduire ses émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030 (la même cible que celle du gouvernement fédéral). L’Ontario mise actuellement sur l’hydrogène « bas carbone » plutôt que sur l’hydrogène « vert ». Selon les publications du gouvernement ontarien, cela s’entend notamment d’hydrogène produit par électrolyse à partir du réseau propre de l’Ontario ou d’hydrogène « bleu » issu d’un processus de CUSC produit à partir de biomasse et de vapeur et de gaz naturel et de vapeur. Après avoir mené une consultation publique, l’Ontario a mis sur pied un groupe de travail ayant pour mission de s’inspirer des commentaires reçus et du document de discussion du gouvernement pour contribuer à l’élaboration de la stratégie provinciale sur l’hydrogène. Ce groupe aidera également l’Ontario à demeurer concurrentiel sur le marché mondial de l’hydrogène en fournissant des conseils sur les manières d’utiliser cette ressource dans divers secteurs.

Alberta

La feuille de route sur l’hydrogène du gouvernement de l’Alberta, mise à jour aussi récemment que le 5 novembre 2021, est axée sur la création d’une économie de l’hydrogène provinciale et le positionnement de la province sur les marchés mondiaux. L’Alberta, déjà le plus important producteur d’hydrogène gris au Canada, a déclaré que son objectif pour 2030 était d’intégrer l’hydrogène propre à son système d’énergie et de l’utiliser à grande échelle pour le transport, le chauffage, la production d’électricité et le stockage d’énergie renouvelable. La province produit actuellement plus de 2,4 millions de tonnes d’hydrogène gris par année. L’hydrogène « propre » est défini par le gouvernement albertain comme un carburant dont la production entraîne de faibles émissions.

Colombie-Britannique

La Colombie-Britannique a publié une stratégie sur l’hydrogène en vue d’atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2050, établi dans le cadre de l’initiative CleanBC. Publié en juillet 2021, ce plan comprend 63 mesures qui suivent la même catégorisation que la stratégie nationale, soit les mesures à court terme (de 2020 à 2025), à moyen terme (de 2025 à 2030) et à long terme (à partir de 2030).
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a investi 10 M$ pour la construction et l’exploitation de 10 stations de ravitaillement en hydrogène dans la province en 2020 et s’est engagé à soutenir Hydrogen BC, division de l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible, pendant trois ans. La Colombie-Britannique possède actuellement le plus grand réseau de ravitaillement en hydrogène au Canada, y compris une station-service publique.

Québec

Bien que le gouvernement du Québec n’ait pas de stratégie distincte sur l’hydrogène, il considère ce carburant comme essentiel à l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 et à la réduction de 37,5 % de ses émissions de GES par rapport aux niveaux de 1990. La province a également publié deux plans d’action climatique, à savoir le Plan pour une économie verte 2030 et un plan de mise en œuvre connexe (2021-2026), afin d’évaluer les secteurs au sein desquels il serait possible et avantageux d’utiliser l’hydrogène. Le plan de mise en œuvre comprend notamment un échéancier d’investissement dans les secteurs de l’hydrogène vert et de la bioénergie. En outre, le Québec est considéré par le secteur privé comme ayant un riche potentiel pour la production d’hydrogène vert en raison de ses importantes réserves d’énergie renouvelable à bas prix.

« Dès maintenant et au cours des années à venir, les secteurs industriel et commercial devront mettre la pression sur le gouvernement pour veiller à ce que l’économie de l’hydrogène reçoive le soutien qu’il lui faut pour prospérer. »

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