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Perspectives

Banque de Montréal c. Chevrette : la Cour d’appel annule la décision de la Cour supérieure d’autoriser le dossier

Le 19 avril 2023, la Cour d’appel a infirmé dans l’affaire Banque de Montréal c. Chevrette, 2023 QCCA 516, l’autorisation d’intenter une action collective qui avait été initialement accordée à l’encontre de quatre défenderesses, à qui il était reproché de reporter l’équité négative (c.-à-d. le capital négatif) sur le refinancement de véhicules automobiles.

Il s’agit d’un arrêt particulièrement important en matière d’action collective. Non seulement il clarifie la Loi sur la protection du consommateur (LPC) et les responsabilités des distributeurs automobiles, mais il s’agit d’un des premiers arrêts où la Cour d’appel annule une décision de la Cour supérieure ayant autorisé une action collective.

L’équité négative, ou la « balloune », et le jugement de première instance

Dans le cadre d’un nouvel achat, les représentants ont refinancé la dette contractée pour l’achat de leurs véhicules précédents. Cette opération a eu l’effet de « majorer » le prix de leur nouveau véhicule. Ils allèguent que cette pratique est illégale au sens des articles 148 et 224(c) de la LPC.

En première instance, les demandeurs ont obtenu l’autorisation d’intenter une action collective. Les défenderesses ont fait appel sur deux points :

  • Pour Kia et Fiat Chrysler Automobiles (FCA), il n’y avait aucun lien de droit, car le contrat de vente à tempérament et le financement afférent ont été conclus avec des concessionnaires et des institutions financières. À titre de distributeurs, Kia et FCA ne peuvent être tenus responsables du report de l’équité négative, indépendamment de la légalité de cette pratique.
  • L’article 148 LPC sur lequel s’appuient les demandeurs ne prohibe pas le report de l’équité négative et la juge aurait dû trancher cette question au stade de l’autorisation, puisqu’il s’agissait d’une pure question de droit.

L’arrêt, l’article 148 LPC et l’absence de lien de droit

Sur le lien de droit, les contrats mis en preuve contredisent clairement les affirmations des demandeurs selon lesquelles ils auraient contracté directement avec Kia ou FCA. En outre, Kia et FCA ont produit la preuve que les concessionnaires sont des entités distinctes et qu’ils n’étaient donc pas parties aux contrats à tempérament en litige. Considérant qu’aucune allégation ne pouvait être tenue pour avérée en appui à la prétention de l’existence d’un mandat apparent, qui aurait créé un lien de droit avec Kia et FCA, la Cour d’appel conclut que la juge de première instance aurait dû rejeter le recours à l’encontre de Kia et FCA.

Les juges de la Cour d’appel donnent également entièrement raison aux appelantes sur l’article 148 LPC. La Cour rejette ainsi l’interprétation proposée par les intimés, soit que le refinancement d’un bien n’était pas « un bien vendu le même jour » et que l’objectif de cette disposition était de protéger les consommateurs du surendettement. Cette disposition vise plutôt à déterminer l’imputation des paiements et le moment où la propriété d’un bien est transférée au consommateur. Suivant l’analyse et l’interprétation de la disposition, la Cour d’appel conclut au rejet de l’action collective.

Commentaire : une décision d’intérêt 

Cet arrêt de la Cour d’appel est très important, et ce, pour plusieurs raisons :

  • D’un point de vue purement procédural, les arrêts infirmant des jugements autorisant des actions collectives ont été rares depuis la réforme de 2016. Cela dit, cette décision ouvre la porte aux appels d’autorisation lorsque les juges de première instance font défaut d’appliquer correctement les critères d’autorisation.
  • Il s’agit d’un cas clair d’appréciation de la règle voulant que si une pure question de droit est décisive sur l’autorisation, le tribunal doit la trancher.
  • Les causes d’actions invoquées dans cette affaire n’ont pas permis de remettre en cause la légalité de la pratique du report de l’équité négative.

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