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Perspectives

Effet des tarifs américains au Canada : élargissement temporaire du programme de Travail partagé et nouvelles mesures d’assurance-emploi

Cet article fait partie de la série dans laquelle nous analysons les conséquences des tarifs américains pour les employeurs canadiens.

Au cours du dernier mois, Emploi et Développement social Canada (EDSC) a annoncé une série de mesures d’assurance-emploi temporaires qui visent à aider les employeurs dont les activités ralentissent en raison de la menace ou de l’imposition de tarifs par l’administration Trump. 

Accès élargi au programme de Travail partagé

Le 7 mars 2025, EDSC a annoncé une série de modifications temporaires à son programme de Travail partagé qui en étendent l’accès et prolongent la durée des prestations d’assurance-emploi auxquelles les employés ont droit dans le cadre d’un accord de travail partagé. Les nouvelles mesures ont comme objectif d’aider les employeurs à éviter des mises à pied temporaires et des licenciements dûs à l’incertitude et au ralentissement économiques causés par les droits de douane américains.

À titre de rappel, le programme de Travail partagé permet aux employeurs d’éviter les licenciements découlant d’un ralentissement temporaire de leurs activités normales causé par des circonstances hors de leur contrôle. Il offre des prestations d’assurance-emploi aux employés touchés pendant la période au cours de laquelle leurs heures de travail hebdomadaire sont réduites. Pour participer au programme, il faut conclure un accord tripartite entre l’employeur, les employés et Service Canada. Dans les milieux syndiqués, le syndicat doit aussi faire partie de l’accord.

Tous les employés qui participent à un accord de travail partagé doivent accepter que leur revenu hebdomadaire normal soit réduit de 10 % et se partager équitablement le travail disponible pendant au moins 6 semaines et au plus 26 semaines. Cette période peut faire l’objet d’une extension de 12 semaines. Un accord de travail partagé peut donc durer jusqu’à 38 semaines. La fin de l’accord est suivie d’une période d’attente obligatoire égale au nombre de semaines qu’a duré l’accord.

Les mesures temporaires annoncées le 7 mars élargissent les critères d’admissibilité au programme de Travail partagé et la durée des prestations. Elles s’appliquent aux employeurs affectés par la menace ou l’imposition de tarifs américains, qui exercent des activités au Canada depuis un an et qui ont un minimum de deux employés admissibles à l’assurance-emploi qui acceptent de réduire leurs heures et de partager le travail disponible. Parmi les nouvelles mesures, mentionnons les suivantes :

  • La durée maximale des accords de travail partagé double, passant de 38 semaines à 76 semaines (la durée minimale demeure de 6 semaines).
  • La période d’attente obligatoire entre deux accords de travail partagé est supprimée.
  • L’admissibilité des employeurs et des employés est élargie notamment aux employeurs cycliques ou saisonniers (et à leurs employés), aux entreprises qui sont en activité au Canada depuis seulement 1 an, et aux employeurs qui ont subi une diminution de l’activité de travail de moins de 10 % au cours des 6 derniers mois.

Ces modifications au programme de Travail partagé demeureront en place jusqu’au 6 mars 2026.

Mesures d’assurance-emploi élargies

Quelques semaines plus tard, le 22 mars 2025, EDSC a annoncé une série de nouvelles mesures temporaires d’assurance-emploi, dans l’optique d’atténuer l’incidence des tarifs douaniers sur l’économie canadienne.

Ces mesures comprennent :

  • L’augmentation artificielle de 1 % du taux de chômage dans toutes les régions de l’assurance-emploi, avec un taux minimum préétabli de 7,1 %. Cette mesure réduira à 630 heures le nombre d’heures minimales que doit avoir travaillé un demandeur pour être admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi, tout en prolongeant la période d’admissibilité d’un maximum de 4 semaines1. Ces changements seront en place pendant 3 mois et s’appliqueront aux demandes déposées entre le 6 avril et le 12 juillet 2025. Vous trouverez davantage d’information en ligne sur les seuils et les calculs connexes.
  • Une suspension de 6 mois des règles relatives au traitement des indemnités de licenciement, incluant notamment les indemnités de départ et  les congés payés. Selon les règles actuelles, les demandeurs doivent ne plus recevoir aucune rémunération liée à une cessation d’emploi avant de pouvoir toucher leurs prestations d’assurance-emploi. Ce ne sera plus le cas pendant la durée de cette mesure temporaire, qui sera en vigueur du 30 mars au 11 octobre 2025.
  • La suppression, pendant une période de 6 mois, de la période d’attente d’une semaine avant de recevoir les prestations d’assurance-emploi, notamment les prestations régulières, spéciales et de pêcheur.

Considérations clés pour les employeurs

Plutôt que de recourir à des mises à pied temporaires, les employeurs dont les activités sont touchées par les tarifs douaniers – notamment ceux qui sont durement touchés et qui voudraient éviter les licenciements collectifs au cours des prochains mois – peuvent bénéficier de la participation au programme de Travail partagé temporairement élargi qui, selon notre expérience, est sous-utilisé. La transparence des employeurs quant aux répercussions des tarifs douaniers américains est essentielle pour que les employés comprennent les accords de Travail partagé et les voient comme une solution raisonnable, qui permet aux employeurs de s’adapter pour continuer à exercer leurs activités, et aux employés de garder le lien avec leur travail.

Avec l’arrivée du temps plus clément et à l’approche des vacances d’été des enfants, les employés pourraient être davantage enclins à accepter une réduction de leur semaine de travail afin de passer plus de temps à la maison, tout en conservant leur emploi et la majorité de leur salaire. Du point de vue des employeurs, les accords de travail partagé permettent d’éviter des enjeux liés au rappel d’employés après une mise à pied temporaire ou aux obligations découlant de licenciements individuels et collectifs. Cela s’avérera la meilleure option pour les deux parties dans certaines circonstances.

Il sera parfois inévitable de mettre à pied des employés temporairement. Les employeurs devront toutefois garder en tête l’incidence de ce choix sur les employés mis à pied, tout particulièrement au vu du fait que la suppression de la période d’attente d’une semaine, combinée à la possibilité pour les demandeurs de recevoir à la fois une rémunération en raison d’une cessation d’emploi et des prestations d’assurance-emploi pourraient diminuer leur motivation à revenir à leur emploi si on le leur offre. Les employeurs devront donc clairement communiquer leurs attentes quant au rappel au travail s’ils ont recours à des mises à pied temporaires.

Dans certaines situations, comme nous l’avons exploré dans le premier article de cette série, les mises à pied temporaires se transforment en réduction permanente de la main-d’œuvre, exigeant des employeurs qu’ils respectent leurs obligations relatives aux licenciements individuels et collectifs en vertu des lois sur les normes du travail et, potentiellement, de la common law. En prévision d’une éventuelle cessation d’emploi, les employeurs devraient envisager de mettre à jour leurs modèles de formulaires standards et leurs politiques internes pour refléter les récents changements apportés aux prestations d’assurance-emploi, par exemple en retirant les références à la période d’attente d’une semaine ou en revoyant les dispositions liées à l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi.

Enfin, dans un milieu de travail syndiqué, les employeurs assujettis à une convention collective doivent porter une attention particulière aux conséquences potentielles de ces nouvelles mesures sur les dispositions liées aux prestations d’assurance-emploi et aux mises à pied.

Mot de la fin 

BLG continuera de fournir des mises à jour sur ces mesures et sur d’autres développements importants dans  son Centre de ressources sur le commerce et les tarifs douaniers, qui couvre des sujets d’intérêt  pour divers secteurs, régions et domaines de pratique.

Maintenant plus que jamais, la mobilisation des employés et la collaboration sont de mise pour encaisser les contrecoups des tarifs douaniers américains. Nous encourageons les employeurs à faire preuve de transparence et à communiquer ouvertement avec leurs employés. Dans un contexte économique incertain et en constante évolution, il est essentiel pour les employeurs de consulter des conseillers juridiques d’expérience pour assurer leur conformité à la législation et à la réglementation en matière d’emploi, ainsi que de tirer parti des mesures gouvernementales disponibles. Les avocats en droit du travail et de l’emploi de BLG peuvent aider les employeurs adapter leurs activités à ces changements. Une liste des personnes-ressources à contacter se trouve à la fin du présent article.

Pour le moment, les employeurs doivent continuer d’évaluer leurs options pour répondre aux répercussions des tarifs douaniers et rassurer leurs employés quant au fait qu’ils ne prendront aucune décision sans avoir recueilli et analysé tous les renseignements disponibles.

Autrice et auteur : Kim Badesha (Vancouver) et Austin R.J. McDougall (Vancouver)

Révision et contribution de : Shelley-Mae Mitchell (Vancouver)

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