Selon le budget fédéral de 2025 (le budget), publié le 4 novembre, le ministère de la Justice compte réduire de 15 % ses dépenses sur trois ans grâce à l’allégement de sa structure de gestion et à la « réduction des redondances », entre autres changements internes.
Cependant, la manière exacte dont seront réalisés les économies et les gains d’efficacité visés reste à préciser, et les mesures proposées pourraient faire augmenter les coûts administratifs à long terme.
Investissements dans l’IA
Selon le budget, le ministère de la Justice compte mettre l’IA à contribution pour atteindre son objectif d’économies et injecter un total de 140 millions de dollars pour « moderniser le fonctionnement du gouvernement » au cours des quatre prochains exercices (voir le budget, annexe 3, tableau A3.17). L’annonce arrive au même moment où les infrastructures d’IA se développent partout au pays, et concorde avec l’intention générale du gouvernement, communiquée dans le budget, d’accroître le recours à ces technologies. S’il faut saluer les investissements dans la modernisation, il reste à voir si les gains d’efficacité proposés seront réalisés au ministère de la Justice, et si leur coût initial important se justifiera.
Procédure informelle
Toujours selon le budget, le ministère de la Justice « examinera » la possibilité d’apporter des changements aux règles de la procédure informelle de la Cour canadienne de l’impôt pour « offrir des services juridiques de manière efficace », plus précisément la possibilité d’augmenter les limites d’accès à la procédure informelle, qui n’ont pas été mises à jour depuis 2013.
Pour les contribuables ayant des litiges fiscaux de moindre envergure (25 000 $ ou moins s’ils sont liés à l’impôt sur le revenu, et 50 000 $ ou moins s’ils sont liés à la TPS/TVH), les règles de la procédure informelle offrent une avenue simplifiée qui vise à améliorer l’accès à la justice, notamment pour les parties non représentées. Un contribuable peut se prévaloir de cette procédure si le montant en litige est inférieur à la limite applicable. Les appels interjetés sous le régime de la procédure informelle sont d’ordinaire plus économiques que ceux de la procédure générale, notamment parce qu’on passe outre à l’enquête préalable, une étape qui peut être coûteuse.
Il est certes judicieux de revoir la procédure informelle pour éliminer les obstacles procéduraux et suivre l’inflation, mais l’augmentation des limites pourrait bien augmenter les dépenses du gouvernement plutôt que les réduire. Davantage de contribuables auront accès à la procédure, et ils seront probablement plus nombreux à s’adresser à la Cour canadienne de l’impôt. Cela viendrait alourdir le fardeau d’un système déjà surchargé.
Baisse de coûts, mais pour qui?
Dans le budget, on affirme que la mise à jour des règles de la procédure informelle « réduir[a] les coûts de litige imposés aux Canadiens et aux entreprises canadiennes ainsi qu’au gouvernement fédéral ». Les économies espérées semblent supposer que le nombre d’appels entendus demeurera constant et que des affaires autrefois destinées à la procédure générale seront maintenant traitées selon la procédure informelle allégée. En réalité, on assistera probablement plutôt à un afflux de dossiers sous le régime de la procédure informelle qui n’auraient toute simplement pas été soumis auparavant.
Dans un appel informel, les sociétés peuvent se faire représenter par une personne qui n’est pas avocate. Les personnes non-avocates qui se représentent elles-mêmes ne saisissent généralement pas bien les règles complexes de la procédure générale. Elles ont souvent besoin d’aide, ce qui peut retarder le processus. Ces retards entraînent des coûts et des efforts supplémentaires pour le ministère de la Justice.
Si la limite passe de 25 000 $ à 100 000 $, les affaires entendues sous le régime de la procédure informelle accélérée pourraient se multiplier, et les retards aussi. Tant le ministère de la Justice Canada que la Cour canadienne de l’impôt devront bonifier leurs ressources et dépenser plus pour gérer cet afflux.
Points à retenir
Les changements proposés à la procédure informelle sont les bienvenus du point de vue de l’accès à la justice, mais il n’est pas dit qu’ils permettront au gouvernement fédéral d’économiser. Ils entraîneront des économies pour les personnes qui n’auraient auparavant pas eu accès à la procédure allégée, mais un fardeau supplémentaire pour le système. D’une façon ou d’une autre, les contribuables ramasseront la facture pour l’administration des appels fiscaux.