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Perspectives

Hazan c. Micron Technology inc. : la Cour d’appel refuse d’autoriser une action collective en matière de droit de la concurrence

Introduction

La Cour d’appel, dans Hazan c. Micron Technology inc. (2023 QCCA 132), confirme en date du 27 janvier 2023 un jugement du juge Donald Bisson de la Cour supérieure du Québec ayant refusé d’autoriser une action collective alléguant l’existence d’un complot international concernant la production de composantes électroniques connues sous le nom de dynamic random-access memory (« DRAM »). La Cour d’appel y confirme à nouveau le rôle de filtrage du juge d’autorisation et l’application du critère de l’apparence de droit dans le contexte spécifique d’une action collective en droit de la concurrence.

Analyse

La Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’a commis aucune erreur dans son évaluation des critères d’autorisation. En outre, tout en confirmant le jugement de première instance, elle précise les balises du critère de la cause d’action défendable en matière de concurrence :

  • Une certaine preuve est requise. Il ne suffit pas d’alléguer un complot, il faut en faire la démonstration. La règle de l’arrêt Infineon Technologies AG v. Option consommateurs (« Infineon ») est claire : « de simples affirmations sont insuffisantes sans quelque forme d’assise factuelle » (par. 134). Cette exigence tient quant à tous les éléments de la cause d’action alléguée, y compris l’existence d’une entente entre les défenderesses.
  • Preuve documentaire. Le juge de première instance se fonde sur Infineon pour conclure que les documents déposés par le requérant ne constituent pas une « certaine preuve », ajoutant d’ailleurs que certains de ceux-ci vont jusqu’à contredire les allégations de la demande d’autorisation d’exercer une action collective. Ces documents incluaient notamment des articles sur la tenue d’une enquête par les autorités chinoises relativement à un complot, mais sans que celle-ci n’ait abouti à un rapport ou conclusion quant à l’existence d’un complot auquel auraient participé les défenderesses, ou quelque forme de pratique anticoncurrentielle. La Cour d’appel se dit d’accord avec l’appréciation et les conclusions du juge de première instance à ce sujet.
  • Connaissance personnelle du requérant. Comme l’indique le juge de première instance, la connaissance personnelle du requérant de l’existence d’un complot serait une exception possible à l’exigence de soutenir les allégations de la demande avec une certaine preuve. Ce n’était toutefois pas le cas en l’espèce.

Bien que le juge de première instance emploie des mots tels « démontre » et « absence de preuve », et se disant satisfaite qu’il a analysé chacune des allégations de la demande d’autorisation, la Cour d’appel conclut que le jugement, pris dans son ensemble, ne s’est pas prononcé sur le fond du dossier. Dans l’exercice de sa discrétion, le juge a décidé à bon droit qu’aucune preuve ne soutenait les allégations de faits vagues et générales du requérant.

Soulignons également que la Cour d’appel rejette une demande d’introduire une preuve additionnelle, c’est-à-dire un rapport d’expert émanant d’une autre instance, puisque le requérant n’avait jamais fait appel en temps utile des jugements refusant leur production. De toute façon, la Cour d’appel estime que cela n’aurait rien changé à son analyse en l’absence d’une erreur révisable.

Commentaire

Nous estimons que cet arrêt aura une incidence significative sur l’avenir des demandes d’autorisation d’actions collectives, surtout en matière de droit de la concurrence. Depuis l’arrêt Infineon, il s’agit du premier jugement qui refuse d’autoriser dans son ensemble une action collective en matière de complot allégué en raison d’une absence de preuve suffisante.

Une partie requérante ne peut donc tout simplement se contenter de simples allégations non étayées par une certaine preuve, son fardeau consistant à faire la démonstration prima facie du complot allégué. Cet arrêt pourrait notamment avoir pour effet de dissuader le dépôt de demandes d’autorisation en matière de concurrence dans des situations où les autorités publiques n’ont pas conclu à l’existence d’un complot justifiant des sanctions, ou ont conclu qu’il n’y avait tout simplement pas matière à enquête.

Le cabinet BLG représentait les entités Samsung dans ce dossier.

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