une main qui tient une guitare

Perspectives

La Cour d’appel confirme le rejet au stade de l’autorisation d’une action collective en droit de l’environnement

Introduction

Dans l’affaire Pollués de Montréal-Trudeau c. Aéroports de Montréal (2022 QCCA 1646), la Cour d’appel rejette l’appel logé par les Pollués de Montréal-Trudeau (« PDMT ») à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure rendu par l’honorable Gary D. D. Morrison, j.c.s. La Cour supérieure avait elle-même rejeté une demande d’autorisation d’exercer une action collective déposée contre le Procureur général du Canada, NAV Canada ainsi qu’Aéroports de Montréal (collectivement, les « Intimés »).

Dans cette affaire, les PDMT sollicitaient l’autorisation d’exercer une action collective contre les Intimés en raison d’une prétendue exposition à la pollution de l’air par nanoparticules, générée, selon les demandeurs, par les opérations de l’Aéroport international Montréal-Trudeau (l’« Aéroport »).

Dans leur demande, les PDMT réclamaient des dommages compensatoires en invoquant la responsabilité extracontractuelle (art. 1457 C.c.Q.) des Intimés ainsi que le régime de responsabilité pour troubles de voisinage (art. 976 C.c.Q.). Les PDMT réclamaient aussi des dommages punitifs, puisque la pollution qu’ils alléguaient constituait, selon leur prétention, une atteinte illicite et intentionnelle à leur droit à un environnement sain, lequel est garanti par l’article 46.1 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Analyse

La Cour d’appel amorce son analyse en rappelant qu’elle dispose d’un pouvoir de révision limité à l’égard d’un jugement portant sur une demande d’autorisation d’une action collective et qu’en cette matière, la déférence est de mise. En effet, ce n’est qu’en présence d’une erreur de droit ou d’une appréciation manifestement mal fondée des critères d’autorisation énoncés à l’article 575 C.p.c. que la Cour d’appel pourra intervenir lorsqu’elle est saisie de l’appel d’un tel jugement.

Dans cette affaire, la Cour d’appel rappelle aussi le rôle du juge d’autorisation de filtrer les demandes afin d’écarter les actions collectives frivoles, ne représentant aucune chance de succès ou encore manifestement mal fondées. En l’espèce, la Cour d’appel conclut que le juge de première instance avait correctement énoncé et appliqué les principes régissant l’autorisation d’une action collective et que c’est à bon droit qu’il était arrivé à la conclusion que les appelants n’avaient pas satisfait leur fardeau de preuve pour obtenir l’autorisation recherchée.

En outre, la Cour d’appel confirme la conclusion du juge de première instance que les PDMT n’étaient en mesure d’identifier aucune norme qui ne soit pas respectée, ni dans quelle mesure les Intimés pouvaient être responsables des rejets de nanoparticules, ou encore quels moyens ils auraient dû prendre pour limiter cette pollution, faisant ainsi défaut d’alléguer une quelconque faute qui aurait été commise par les Intimés. La Cour d’appel confirme au surplus la conclusion du juge d’autorisation que les PDMT ont fait défaut d’alléguer un quelconque dommage ou un inconvénient anormal qui excéderait les limites de la tolérance, faisant ainsi obstacle à leur recours fondé sur l’article 1457 C.c.Q, ainsi que celui fondé sur l’article 976 C.c.Q.

Quant aux dommages punitifs, la Cour d’appel confirme qu’en l’absence d’allégations voulant que les Intimés aient agi de façon intentionnelle, malveillante ou vexatoire, une telle condamnation n’est pas défendable et qu’ainsi, l’action collective proposée doit être rejetée.

Commentaire

En vertu de l’article 976 C.c.Q., « les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ». Ce régime de responsabilité sans fautes est axé sur l’examen de la normalité des inconvénients subis plutôt que sur le comportement de leur auteur; lesquels doivent être excessifs et anormaux pour engager une responsabilité civile.

Ainsi, au stade de l’autorisation, des allégations suffisantes, paraissant démontrer l’existence d’inconvénients excessifs ou des troubles anormaux, doivent être mises de l’avant. Le demandeur doit identifier une obligation légale et alléguer l’inexécution de cette obligation, ce que les demandeurs n’avaient pas fait dans ce dossier.  

Cette décision de la Cour d’appel rappelle qu’un tribunal ne peut autoriser l’exercice d’une action collective sur la base d’une simple possibilité de préjudice et que la preuve prima facie d’une probabilité de préjudice qui peut être extrapolé à l’ensemble des membres du groupe visé est nécessaire. Des allégations vagues et générales, référant à des possibilités ou risques de dommages éventuels ou hypothétiques, sont insuffisantes pour fonder une réclamation, et ce, tant en vertu de la responsabilité civile (art. 1457 C.c.Q.) que de la notion de troubles de voisinage (art. 976 C.c.Q.). 

Enfin, la Cour d’appel indique que le principe de précaution, dont l’application est reconnue en droit administratif canadien depuis la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Spraytech, ne peut être employé afin d’obtenir l’autorisation d’une action collective visant l’octroi de dommages compensatoires alors qu’aucune faute n’est alléguée, ni aucun dommage réel. Non seulement est-il insuffisant de simplement alléguer qu’une autorité publique aurait dû en faire plus, mais qui plus est, la Cour d’appel rappelle que les dommages compensatoires ont une fonction réparatrice plutôt que préventive. En l’espèce, aucune allégation ne permettait de soutenir la cause d’action avancée par les PDMT.

Dans cette affaire, l’intimée Aéroports de Montréal était représentée par les avocats en action collective de BLG.

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