Le 9 novembre 2023, l’honorable Seamus O’Regan, nouvellement nommé ministre du Travail et des Aînés (le « ministre »), avait déposé le projet de loi C-58 - Loi modifiant le Code canadien du travail et le Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles.
Le projet de loi, qui comporte des mesures robustes pour empêcher le recours aux travailleurs de remplacement, communément appelés des « briseurs de grève » par les employeurs de compétence fédérale, a reçu la sanction royale le jeudi 20 juin 2024.
Dispositions en vigueur depuis le 20 juin 2025
Comme nous l’avions prévu dans un précédent article de BLG sur le sujet, la loi qui a été adoptée est demeurée assez similaire au projet de loi initial, sauf pour quelques changements importants, dont sa date d’entrée en vigueur anticipée.
Ainsi, les dispositions de la nouvelle loi balisant le recours aux travailleurs de remplacement sont entrées en vigueur le 20 juin 2025.
À titre de rappel, le projet de loi visait à créer un régime de balises en ce qui concerne le recours à des travailleurs de remplacement lors d’un conflit de travail, supprimant la nécessité de démontrer l’intention de miner la capacité de représentation d’un syndicat avant de pouvoir interdire le service des travailleurs de remplacement pendant une grève ou un lock-out légal.
Autres éléments importants à retenir
Parmi les faits saillants de la loi telle qu’adoptée, on compte une définition large du travailleur de remplacement, qui vise maintenant :
a) tout employé qui a été engagé après la date à laquelle l’avis de négociation collective a été donné, ou toute personne qui occupe un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail et qui a été engagée après cette date;
b) tout entrepreneur, autre qu’un entrepreneur dépendant, ou tout employé d’un autre employeur;
c) tout employé qui travaille habituellement dans un lieu de travail autre que celui où se déroule la grève ou le lock-out, ou qui a été transféré dans le lieu de travail où se déroule la grève ou le lock-out après la date à laquelle l’avis de négociation collective a été donné;
d) tout bénévole, étudiant ou membre du public.
À noter que les points c) et d) n’apparaissaient pas dans le projet de loi initial et démontrent une volonté claire du législateur de renforcer la protection des salariés contre les briseurs de grève.
Un autre élément important concerne l’exception permettant à l’employeur d’utiliser les services de travailleurs de remplacement lorsque l’utilisation de ces services est nécessaire pour parer à l’une des situations suivantes:
a) une menace pour la vie, la santé ou la sécurité de toute personne;
b) une menace de destruction ou de détérioration grave des biens ou des locaux de l’employeur;
c) une menace de graves dommages environnementaux touchant ces biens ou ces locaux.
Toutefois, pour se prévaloir de cette exception, l’employeur doit d’abord offrir aux employés de l’unité de négociation visée par la grève ou le lock-out la possibilité d’effectuer le travail, limitant encore donc davantage le recours aux travailleurs de remplacement.
Dans tous les cas, l’utilisation des services d’une personne en vertu de cette exception doit uniquement servir à des fins de conservation, et non pour poursuivre la prestation de services, le fonctionnement des installations ou la production d’articles.
Également, une nouveauté dans la loi désormais en vigueur réside dans l’exigence qu’à la fin d’une grève ou d’un lock-out, les employés de l’unité de négociation qui ont participé au conflit de travail soient réintégrés de préférence à toute autre personne (et non uniquement de préférence aux travailleurs de remplacement, comme prévu au départ dans le projet de loi).
Finalement, la plupart des dispositions concernant les demandes ou renvois relatifs à une entente sur le maintien des activités demeurent inchangées quant à ce qui avait été annoncé en juin 2024. À titre de rappel, le délai dont dispose le Conseil canadien des relations industrielles pour trancher la demande ou rendre une ordonnance est maintenant réduit, passant de 90 à 82 jours.
À retenir
La loi adoptée se veut ainsi, à plusieurs égards, un élargissement du projet de loi initialement déposé, mais surtout un énorme changement pratique pour les employeurs visés lors de conflits de travail. Le gouvernement fédéral vient donc rejoindre, par la grande porte, le Québec et la Colombie-Britannique comme juridiction prévoyant des dispositions anti-briseurs de grève strictes et élaborées.
Depuis le 20 juin, un employeur en marge de ces restrictions s’expose à des amendes importantes, s’élevant à un maximum de 100 000 $ « pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se poursuit l’infraction ».
Plus encore : les nouvelles restrictions s’appliquent à tout conflit de travail en vigueur au 20 juin 2025, même ceux ayant débuté avant. Certains employeurs pourraient donc devoir cesser d’utiliser les services de travailleurs de remplacement, même en plein cœur d’un conflit de travail.
Nul doute que de telles dispositions demanderont des ajustements, à court comme à plus long terme, dans la gestion des conflits de travail dans le secteur privé fédéral.
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